Articles

le pen communication

Le flop des campagnes de communication, épisode 3 !

le pen communication psychologie flop

Lorsque j’ai rédigé mes deux premiers billets sur les flops des campagnes de communication, je n’avais pas prévu d’en faire des publications régulières. Et puis moi-même, psychologue, ai été victime du biais cognitif dit de disponibilité. Cette tendance à voir partout l’objet de votre préoccupation car elle est facilement accessible à votre mémoire. En termes moins alambiqués, j’ai commencé à voir des exemples de mauvaise communication partout.

 

Rien ne sert de blâmer mon cerveau outre mesure. Ces exemples sont OMNIPRÉSENTS. Et si je ne me contentais pas de les observer moi-même, mes contacts ont acquis le réflexe de partager avec moi des exemples d’affiches ou de publicité qu’ils jugent suspectes. Ou dont ils imaginent que j’en laisserais échapper un commentaire, parfois sarcastique, tout du moins critique.

 

Alors soit, il semble que je me destine modestement à faire de ces flops de communication un rendez-vous régulier. J’ai pris le pari d’à la fois vous révéler mes perles préférées, mais aussi d’esquisser une explication du flop, basée sur la psychologie de la communication. Comme vous le verrez, ces justifications sont parfois évidentes. Et l’on me traitera à raison de condescendance en prétendant réinventer le fil à couper le beurre. Mais pour le reste, l’expérience me montre un peu plus chaque jour que l’introspection est la plus vicieuse des compagnes. Et l’être humain décidément très mauvais pour anticiper la psychologie et le comportement de son voisin.

 

Enfin, j’ai délibérément pris le parti de ne pas faire référence outre mesure à du jargon scientifique ou des études publiées. Restons dans la vulgarisation, rapide, concise, explicite. Je reste bien entendu à votre disposition, souhaiteriez-vous connaitre noir sur blanc la justification strictement scientifique d’un phénomène que j’évoque.

 

En route !

PSYCHOLOGIE & COMMUNICATION : LE RÔLE DE L’IDENTITÉ SOCIALE

 

Et pour débuter ce 3ème épisode, j’ai souhaité partir sur un sujet « léger » : la politique !

 

le pen communication psychologie flopSur cette affiche du rassemblement national, on voit Marine Le Pen et un slogan. « Français, réveillez-vous ! ». Si les français sont endormis, qui est éveillé ? Le RN ? C’est ce que semble suggérer cette affiche.

 

En psychologie, la théorie de l’identité sociale suggère que l’on n’est jamais plus coopératif, ou que l’on ne fait jamais plus confiance à une personne, que si on l’identifie comme faisant partie de son groupe social. On évoque parfois cette théorie en parlant de l’opposition outgroup/ingroup, ou exogroupe/endogroupe. Ce qui est intéressant est ce que ce groupe social existe à n’importe quelle échelle : les autres personnes de mon village / de mon département / de ma région / de mon pays… L’important est de s’identifier à ce groupe social.

 

En fin de compte, c’est un peu eux contre nous. Les Bourguignons contre les Franc-Comtois, les Nordistes contre les Sudistes… En suggérant que les français sont endormis et qu’eux sont éveillés, les communicants du RN font l’erreur de créer artificiellement deux groupes sociaux. Ils placent de facto le lecteur de l’affiche dans le groupe opposé à celui de l’affiche. Le RN (les éveillés) contre les lecteurs (les endormis). Dès lors, pas sûr que ce soit le meilleur slogan pour rassembler et être écouté…

 

PSYCHOLOGIE & COMMUNICATION : LE RÔLE DE LA SAILLANCE

 

Deuxième exemple, probablement mon préféré. Il ne s’agit ici d’une affiche mais plutôt d’un dispositif, que d’aucuns qualifieraient de nudge… La probable inefficacité de ce dispositif n’a d’égal que le tintamarre et l’approbation qu’il a suscités dans la presse locale. Pour faire bref, voici une plaque posée devant un égout prévenant le passant que ses détritus, communication psychologie flop Dijons’il les jette parterre, finiront dans la mer. Car la mer commence, comme tout le monde le sait, depuis les bouches d’égouts de la rue de la Liberté à Dijon…

 

Le problème est que cette communication ressemble plus à du branding. On ne cherche pas à affecter le comportement du piéton. Mais son plus gros péché n’est pas là. Son défaut est de vouloir susciter chez un dijonnais la représentation de la mer et de la pollution maritime. Mis à part Besançon, je pense qu’il n’y a pas de ville moyenne plus éloignée d’un littoral que la capitale Bourguignonne.

 

Dès lors, on peut s’attendre à ce que la pollution maritime ne soit pas la préoccupation numéro 1 d’un dijonnais moyen. Ce n’est probablement pas la corde sensible la plus efficace pour éveiller les consciences dans cette ville. Il y a donc un manque de cohérence entre les représentations et objectifs que souhaite susciter cette communication, et les représentations du concept de pollution dans le cerveau d’un dijonnais.

 

Il semble que cet exemple ait été copié d’une initiative mise en place à Collioure. Sans hésitation, la pollution maritime est, dans le cerveau d’un habitant de Collioure, un concept plus facilement appréhendable que dans celui d’un habitant de Dijon…

 

PSYCHOLOGIE & COMMUNICATION : LE RÔLE DE L’HUMOUR

 

Dernier exemple. Celui-là vient de sortir, c’est tout chaud. Cette affiche semble (!?) être de la publicité pour un produit de nettoyage. Le gros problème avec le slogan est évidemment l’adverbe « seulement ». « Seulement » est réducteur et met en avant des limites. La chose est universelle (« Alors ton examen ? », « j’ai eu seulement 11/20 »). « Seulement » indique que les espérances communication psychologie flop starwaxet les attentes étaient différentes. « Seulement » est un des prémices de la déception.

 

Dans d’autres contextes publicitaires, « seulement » est utilisé pour souligner des petites valeurs dans un esprit de minimisation (« Votre nouvelle télévision écran plat à seulement 149€ »). On est loin de l’objectif de la marque. Encore une fois il y a un manque de cohérence entre le claim d’un produit de nettoyage puissant, et les mots employés pour en faire la promotion.

 

Dernière interprétation possible, le communicant souhaite jouer sur l’ironie. En mettant en avant le paradoxe entre l’adverbe « seulement » et le fort pourcentage. Malheureusement le sarcasme est le meilleur ennemi du communicant. C’est d’abord une forme d’humour à utiliser avec parcimonie, pas avec n’importe qui… Et certainement pas la forme d’humour la plus évidente et la plus facile à comprendre. Surtout lorsque le verbal et le non-verbal de son interlocuteur sont absents.

 

Rassurez-vous, cette marque ne s’est pas contentée d’une seule affiche, me donnant ainsi du matériel pour les futurs épisodes des flops de campagne de communication.

 

J’espère que cet épisode vous a plus. Souhaitez-vous en lire d’autres ? Stop ou encore ? Vos réponses en commentaires ! Merci bien.

 

——————————————-

À PROPOS DE L’AUTEUR :

morgan david

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer des services dans différents domaines comme la communication, l’influence, le marketing & les ventes. ANALYTICA est le créateur du concept des PsychoSegments, du service de neuromarketing CogniSales, du service de menu engineering nouvelle génération CogniMenu, et du service de neuromarketing appliqué au packaging CogniPackaging.

 

 

 

Morgan DAVID psychologie marketing

Entretien sur le neuromarketing avec Morgan DAVID

neuromarketing-Morgan-DAVID

 

Il y a quelques temps j’ai été interviewé par Salomé Ficarelli, étudiante en master Communication & Marketing de l’ISCOM de Lyon, sur le sujet du neuromarketing. Définition, techniques, exemples, atouts, limites… tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le neuromarketing sans jamais oser le demander…! Je vous laisse découvrir la retranscription de cet entretien et en profite pour remercier Salomé de sa sollicitation. Bonne lecture !

 

 

 

british flag

The English version of this

article can be found here!

 

 

Salomé Ficarelli : Morgan DAVID, qui êtes-vous ?

 

Morgan DAVID : je suis docteur spécialiste des sciences comportementales, diplômé de l’Université de Bourgogne (France) et de l’Université du Québec à Montréal (Canada). J’ai été chercheur dans différentes universités en France, au Canada, au Royaume-Uni et en Belgique. Mes recherches portaient principalement sur les facteurs influençant les comportements et les prises de décisions dans divers contextes. Je suis le fondateur et le directeur d’Analytica, un cabinet de conseil en sciences comportementales basé à la fois en France et au Royaume-Uni. J’aide mes clients à développer leurs services et leurs produits en prenant en compte la manière dont fonctionne le cerveau de leurs propres clients et usagers, comment ils prennent des décisions, comment ils se comportent… Mes prestations relèvent beaucoup du neuromarketing, mais aussi des nudges ou d’autres techniques issues des sciences comportementales et de la psychologie sociale.

 

 

SF : Pouvez-vous, en quelques phrases, expliquer ce qu’est le neuromarketing ?

 

Morgan DAVID : je pense que tous les professionnels n’en donneraient pas la même définition, dépendamment de leur expertise. Pour ma part, je considère le neuromarketing comme la pratique consistant à promouvoir un produit ou un service en utilisant les connaissances scientifiques sur la manière dont le cerveau des consommateurs collecte, traite l’information et prend des décisions. La plupart du neuromarketing s’empare de technologies de pointe, telles que l’IRM cérébral ou l’eye-tracking, car c’est vendeur et les clients fantasment quelque peu sur la technique. C’est toutefois oublier deux choses : 1) que l’efficacité de l’utilisation de ces technologies est limitée et descriptive : est-ce que savoir où notre consommateur porte son attention suffit pour transformer un achat ? la réponse est non; et 2) tout un pan de psychologie du consommateur, de psychologie cognitive et social offre des techniques efficaces pour profiler les consommateurs, les guider ou anticiper leurs décisions et leurs comportements. De cette façon on peut développer des produits ou des services en adéquation avec leurs préférences et leurs attentes. C’est à cette manière d’appliquer la psychologie au marketing que je travaille, car elle est très puissante et somme toute délaissée, surtout en France.

 

 

neuromarketing-morgan-david-faces

Cliquez sur l’image pour accéder à notre article “Le neuromarketing, c’est quoi ?”

SF : Comment définiriez-vous le nouveau consommateur de 2019 ?

 

Morgan DAVID : je pense qu’on en fait trop sur l’approche marketing à destination des différentes générations. Je m’inscris plutôt en porte-à-faux par rapport à cette approche. La raison à cela, et des études le montrent, est que les différences entre les consommateurs ne tiennent pas tant à la génération à laquelle ils appartiennent qu’à d’autres facteurs tels que leur niveau socio-économique, leur origine sociale ou leur personnalité. On néglige beaucoup le rôle de l’économique, du social et des représentations sociales dans le marketing actuellement. Il est donc illusoire de vouloir définir un type de consommateur en 2019. D’ailleurs, certaines de mes prestations consistent justement à identifier différents profils psychologiques chez les consommateurs et à adapter la communication en fonction de ces profils. On est donc loin d’un profil-type universel. Les marketeurs sont très forts pour placer les consommateurs dans des cases, malheureusement rarement les bonnes…

 

 

SF : Sur quels outils et quelles techniques repose le neuromarketing ?

 

Morgan DAVID : Le neuromarketing peut reposer soit sur des mesures directes de l’activité cérébrale (type IRM), ou physiologique (type skin conductance, eye tracking), soit sur des techniques plus liées à la psychologie du consommateur et la psychologie cognitive. Dans ce cas-là on s’attache par exemple à composer l’environnement de vente de manière à convaincre le consommateur et le guider vers les produits que l’on souhaite vendre. Savoir comment le cerveau des consommateurs collecte et traite l’information et prend des décisions est essentiel pour atteindre sa cible efficacement. Sans cela on part un peu à la pêche avec des présupposés qui ont plus à voir avec la création de mauvais stéréotypes éculés… Je pense que l’important, si l’on veut être efficace dans ce domaine, est de se fier à des connaissances et des techniques scientifiquement démontrées. Personnellement, je n’utilise que des techniques dont l’efficacité a été démontrée dans des articles scientifiques publiés dans des revues à comité de lecture. Malheureusement, ce type de connaissances, publiées en anglais, dans un jargon scientifique et avec plein de statistiques, est difficilement accessible, surtout en France.

 

 

“La prise en compte de la psychologie du consommateur représente une valeur ajoutée essentielle pour les entreprises actuellement”

 

 

SF : Quels sont les atouts et les limites du neuromarketing ?

 

Morgan DAVID : La valeur ajoutée du neuromarketing dans notre société actuelle est forte pour les entreprises. Prenez les exemples des grosses chaines comme Starbucks, McDonalds etc… Quoi qu’on en pense, ces entreprises sont performantes car elles ont depuis longtemps tenter de comprendre comment attirer, faire consommer et fidéliser leurs clients. Et elles ne l’ont pas fait avec la technique du doigt mouillé… Elles ont demandé à des spécialistes du comportement de se pencher sur leurs problématiques. C’est assez anglo-saxon quand on y pense… Pour avoir la chance de travailler à la fois en France et au Royaume-Uni, j’observe assez bien les différences en termes d’efficacité marketing et commerciale entre ces deux pays. Je pense que la prise en compte de la psychologie du consommateur représente une valeur ajoutée essentielle pour les entreprises actuellement, dans l’optique d’améliorer à la fois les marges, le chiffre d’affaires, le marché réalisé et la fidélité à la marque. Le neuromarketing nous permet d’être beaucoup plus précis dans notre approche de la stratégie de vente, dès sa conception. Si je suis favorable à une approche par essai/erreur pour déterminer ce qui marche et ce qui ne marche pas, connaître la psychologie du consommateur permet toutefois de partir avec une longueur d’avance sur ce processus.

Du côté des limites, les sciences comportementales sont des sciences molles, pas des sciences dures. Et qui dit sciences molles dit qu’une large part de la variation que l’on observe entre les consommateurs, ou dans l’efficacité des techniques utilisées, reste inconnue. Les consommateurs ne sont pas des robots, et il est illusoire, et éthiquement contestable, de penser que l’on puisse prédire avec 100% d’exactitude les décisions et les comportements. C’est impossible ! On arrive à des résultats car nous travaillons sur des grands échantillons de clients, et que statistiquement, les techniques que nous allons employer, ou la stratégie que nous allons mettre en place, vont être un peu plus efficaces que les précédentes, ce qui se transformera en bénéfices de manière absolue. Les neuromarketeurs ne sont ni des mentalistes, ni des magiciens… Nous appliquons des techniques scientifiques, donc les techniques les plus efficaces, objectivement, à l’heure actuelle, pour atteindre des objectifs précis. Rien de plus, rien de moins.

 

 

neuromarketing-morgan-david-dunkin-donuts-logo

Cliquez sur l’image pour accéder à notre article “Le post plus que parfait ? La psychologie au service des slogans publicitaires”

SF : Pouvez-vous donner des exemples concrets d’expériences déjà réalisées en la matière ?

 

Morgan DAVID : Personnellement, je peux citer des expériences de webmarketing, pour lesquelles j’ai travaillé sur la composition et l’organisation de sites web, la formulation des offres commerciales, l’environnement général de présentation, dans le but d’améliorer les conversions. C‘est très efficace car les sites sont rarement optimisés pour l’expérience-utilisateur. Lorsque l’on connait la manière dont fonctionne le cerveau des visiteurs, on peut assez facilement anticiper leurs réactions, leurs comportements, leurs décisions dans l’environnement « clos » du site internet. La manière dont on présente l’information et dont on l’organise est la clé de cette pratique.

J’ai aussi de l’expérience dans le développement de boutiques physiques. Encore une fois, on travaille sur l’expérience du client : l’organisation du parcours du client dans la boutique, l’optimisation du prix des produits, les lumières, la musique, l’organisation des produits, l’environnement de vente… bref, autant de paramètres bien connus en psychologie du consommateur et dont le but est de satisfaire le client et de le fidéliser. Enfin, je développe également des solutions pour augmenter les bénéfices des restaurants en améliorant leurs menus et leurs boards.

 

 

“Le neuromarketing va servir à augmenter les marges sur des produits, augmenter le marché réalisé, les parts de marché”

 

 

SF : Que pensez-vous de l’article suivant du Code Civil français « Les techniques d’imagerie cérébrale ne peuvent être employées qu’à des fins médicales ou de recherche scientifique, ou dans le cadre d’expertises judiciaires » ?

 

Morgan DAVID : Je pense qu’il est d’un côté important de protéger les consommateurs de mauvaises pratiques. De l’autre, je pense que cet article de loi est certainement exagéré pour la simple et bonne raison que les risques sont surestimés. Comme je l’ai dit précédemment, le comportement est loin d’être complètement prédictible ou manipulable, et ces techniques d’IRM sont surtout descriptives. On a donc peu à en craindre. Il ne faut pas imaginer le cerveau comme une boîte noire dont seuls quelques scientifiques auraient le secret ! C’est un fantasme. Tout ce qu’on saura faire c’est augmenter de quelques pourcents les ventes d’un produit dont on aura modifié quelques caractéristiques en prenant en compte sa perception et son jugement par les consommateurs. C’est tout ! C’est d’ailleurs un bon résumé du neuromarketing quand on y pense !

Bref, les risques sont certainement surévalués par manque de connaissance, et pourtant la concurrence mondiale pousse aux portes des entreprises françaises en utilisant ces techniques… On a peu à craindre de l’utilisation d’IRM pour savoir laquelle de la couleur verte ou rouge sur un pot de yaourt est plus plaisante aux yeux d’un consommateur…

 

 

SF : Pour finir, devons-nous avoir peur du neuromarketing ?

 

Morgan DAVID : Non ! Comme je l’ai dis plus haut, le neuromarketing est réellement fanstasmé par les médias et le public. Tout ce que le neuromarketing peut faire, c’est augmenter de quelques pourcents les ventes d’un produit en modifiant quelques caractéristiques dont on sait que les clients vont les préférer. C’est tout ! C’est déjà beaucoup pour une entreprise qui souhaite booster ses ventes, mais peu pour les consommateurs. Le neuromarketing va servir à augmenter les marges sur des produits, augmenter le marché réalisé, les parts de marché. S’il améliore le panier moyen, c’est aussi de quelques pourcents. On ne peut pas manipuler les clients à sa guise ! On me parle d’ailleurs souvent de manipulation : le neuromarketing est-il de la manipulation ?

C’est une très bonne question et j’ai déjà vu des reportages dans lesquels certaines entreprises n’arrivaient pas à assumer leur recours au neuromarketing, se confondant en gêne et en approximations devant la journaliste… Du point de vue de la psychologie sociale, toute interaction est manipulation. La manipulation consiste à affecter les décisions d’autrui, à lui faire adopter des comportements qu’il n’aurait pas adopter sans notre influence. C’est le cas de cette interview. En un sens vous m’avez manipulé pour me convaincre de répondre à vos questions. Demander à vos enfants de mettre la table, c’est de la manipulation. Inviter vos amis pour une soirée, c’est de la manipulation. Et l’on en vient au côté commercial de la question. La vente est de la manipulation par définition, car on va tenter de persuader le client d’acheter notre produit en le convaincant que c’est le meilleur. Avez-vous déjà imaginé une boutique ne promouvant pas ses produits ? C’est la mort assurée. La publicité est de la manipulation car on tente de convaincre des clients potentiels d’acquérir un produit ou de requérir à un service. Je pense donc que la manipulation n’est pas une mauvaise chose en soi, du moment qu’elle ne dessert pas la personne manipulée. Si vous trompez votre client ou que vous l’arnaquez, c’est illégal et moralement répréhensible. Ceci dit, les arnaqueurs et voleurs de tout poil n’ont pas attendu le neuromarketing pour requérir à des mauvaises pratiques. Les pratiques frauduleuses ont toujours existé, bien avant le neuromarketing. Pour conclure, toute tentative de persuasion, comme la publicité et le marketing le font depuis des lustres, peut être considérée comme de la manipulation. Utiliser des connaissances sur le comportement de vos clients pour persuader n’est pas plus moralement condamnable à mes yeux.

 

 

couverture livre JM Servet

Commentaires sur “L’économie comportementale en question” de Jean-Michel Servet

 

couverture livre JM Servet

 

Je suis tombé il y a peu sur l’ouvrage « L’économie comportementale en question » de Jean-Michel Servet, paru en avril 2018. Domaine à la mode pour certains, révolutionnaire pour d’autres, je me le suis procuré pour découvrir les arguments de l’un des seuls auteurs francophones sur le sujet et en faire une « rapide » évaluation critique.

 

 

 

Avant d’entamer le voyage, si vous souhaitez un petit rappel sur l’économie comportementale, vous pouvez consulter deux de mes précédents articles :

Sur les nudges : http://cabinet-analytica.fr/les-nudges-quest-ce-que-cest/

Sur l’économie comportementale de manière générale : http://cabinet-analytica.fr/prix-nobel-2017-quest-leconomie-comportementale/

 

Photo de Jean-Michel Servet

Jean-Michel Servet

Pour situer l’auteur, Jean-Michel Servet est un économiste spécialiste du développement, ancien chercheur à l’Institut Universitaire d’Études du Développement de Genève et enseignant dans des structures Françaises et Suisse. Pour plus d’informations sur ce monsieur : http://graduateinstitute.ch/fr/annuary/_/people/servet

 

Pour aller droit au but, les principales critiques que JM Servet adresse à l’économie comportementale tiennent en quatre points :

 

  •  L’avènement de son hégémonie dans le domaine des sciences économiques, en termes de concept, d’accaparement des fonds et de recrutement,
  • La faiblesse des démarches expérimentales de type RCT (Randomized Controlled Trials)1 pour une discipline qui se veut empirique, historique, et qualitative,
  • en découlant, le manque de contextualisation des économistes comportementalistes de leurs résultats et de leur découvertes, avec notamment une trop forte propension à insister sur la p-value plutôt que sur la taille de l’effet,
  • l’utilisation des recherches en économie comportementale pour la promotion de mesures néolibérales.

 

 

QUELLE ÉCONOMIE COMPORTEMENTALE ?

Quelques commentaires donc, aussi brefs que possible, sur ces critiques : tout d’abord il semble que le terme d’économie comportementale fasse preuve d’une grande ambiguïté actuellement. L’économie comportementale, qui propose d’étudier et d’anticiper les décisions économiques de leurs agents à la lumière de leur comportement, est la discipline à la base des fameux nudges, ou coups de pouce. Ces nudges consistent à court-circuiter les biais cognitifs dont citoyens et usagers font preuve lorsqu’ils prennent des décisions. Le nudge, pourtant promu par des économistes comportementalistes, ressemble alors plus à un outil de psychologues sociaux destiné à changer les comportements. Il en découle que rien n’est moins bien défini qu’un nudge. Une architecture de choix destinée à engager des salariés dans le choix de cotisations retraite profitables sur le long terme en est un. Des dents de monstre dessinées de chaque côté d’une porte d’une voiture de RER en est prétendument un également… (voir ici). Il en ressort que les nudges semblent avoir dépassés leurs créateurs pour désigner n’importe quelle situation dans

prix nobel 2017

Article de blog : “Prix Nobel 2017 : qu’est-ce que l’économie comportementale ?”

laquelle on tente d’influencer autrui en jouant sur l’environnement de décision. Les critiques formulées par JM Servet dans son livre ne semble se focaliser que sur la résolution de questions de sciences économiques par les économistes comportementalistes, comme le micro-crédit ou la promotion de l’épargne dans les pays pauvres. Jean-Michel Servet aborde très peu l’intérêt des nudges et des sciences comportementales pour des problématiques liées aux usages et habitudes des citoyens en dehors de la sphère financière. Et pour cause, JM Servet est économiste et dénonce l’accaparement des sciences économiques par les économistes comportementalistes. En conclusion, et de manière factuelle, la critique de JM Servet concerne principalement l’implication des économistes comportementalistes dans des questions d’économie financière. Il est très peu évoqué le rôle des nudges et des biais cognitifs pour d’autres disciplines, comme la psychologie sociale. Jean-Michel Servet reste ainsi discret sur l’application des principes d’économie comportementale à ces disciplines (voir toutefois « Les autres disciplines accessoirisées » page 124 ou « Quand l’économie comportementaliste fait son marché en psychologie » page 129).

 

 

LE MANQUE DE CONTEXTUALISATION

D’un point de vue technique, le manque de contextualisation des recherches des économistes comportementalistes ne concernent malheureusement pas que cette discipline, mais est un problème inhérent à la recherche scientifique, où le degré d’expertise de chaque discipline et courant n’a jamais été aussi fort. Si ce reproche n’est pas exclusif à la discipline de l’économie comportementale et est explicable, on peut aisément considérer que le manque de communication entre les économistes comportementalistes et les économistes traditionnels, dénoncé par l’auteur, ne reflète effectivement pas un processus sain de développement de la discipline et ne peut être que contre-productif.

 

 

LES STATISTIQUES AU CŒUR DE LA CRITIQUE

couverture de Nudge

Lien vers l’article de blog “Les nudges, qu’est-ce que c’est ?”

Jean-Michel Servet insiste sur l’importance des critères historiques et culturels dans la compréhension des pratiques économiques locales et la mise en place de politiques adaptées. On ne peut qu’être d’accord avec çà. Les RCTs restent toutefois à mon avis les méthodes expérimentales les plus abouties pour identifier le rôle et l’importance d’un facteur, d’une variable, dans un phénomène d’ordre causal (en calculant par exemple un coefficient de détermination1). Jean-Michel Servet critique le fait que les RCTs ne sont capables d’identifier des facteurs causaux qu’à l’échelle de la population, c’est-à-dire là où la moyenne des échantillons va différer entre groupes contrôles et groupes expérimentaux. C’est effectivement l’objet des expérimentations scientifiques que d’arriver de manière graduelle à l’identification des facteurs impliqués dans un processus. Et si celles-ci ne sont pas capables de rendre compte des détails de l’intégralité d’un mécanisme, notamment au niveau inter-individuel, alors plus d’expérimentations peuvent être nécessaire, notamment en segmentant les échantillons initiaux. Les statistiques à la base des expérimentations scientifiques rendent compte de moyennes, ou médianes, calculées sur des groupes d’individus, et c’est un mauvais procès qui leur est fait de dénoncer cela. En effet, aussi imparfaite que cette méthode puisse être perçue, aucune autre n’est aujourd’hui plus puissante pour expliquer avec certitude la source causale de phénomènes.

 

 

RÉCONCILIER QUANTITATIF & QUALITATIF

Au-delà du tout RCT ou du tout qualitatif, c’est justement en associant RCTs et recherches historiques, culturelles, anthropologiques, qualitatives que l’on peut espérer comprendre au maximum les phénomènes et prendre des dispositions appropriées afin d’agir sur les comportements. Une critique totale des RCTs me paraitrait ainsi excessive. Aussi, et c’est là où les tailles d’effet ont leur importance, ce n’est pas parce qu’une action a une influence statistiquement significative sur les comportements que son rôle est important. Encore faut-il déterminer la part de variation du comportement observé que l’on peut expliquer avec notre facteur explicatif. Si le coefficient de détermination (R²) est faible (et les tailles d’effet des études d’économie comportementale sont souvent très faibles), peu importe que son action soit statistiquement significative, ce facteur ne représente certainement pas un levier d’action pertinent pour agir sur les comportements.

 

 

PROMOUVOIR LE NÉOLIBÉRALISME

Enfin, JM Servet accuse l’économie comportementale de « servir la soupe » du néolibéralisme. Alors qu’elle pourrait contribuer à identifier des politiques globales susceptibles d’affecter des variables économiques, comme la pauvreté, elle se ferait plutôt la caution scientifique et expérimentale de décisions prises à l’aune d’une idéologie : le néolibéralisme. Cette perspective fait référence au paternalisme libertarien que bien des chercheurs de cette discipline critique de manière légitime2. Les recherches des économistes comportementalistes considèrent que les citoyens n’agissent pas de manière rationnelle au niveau économique (rationnel du point de vue néolibéral de la propriété et de la libre concurrence). Ces citoyens devraient ainsi voir leurs comportements corrigés pour améliorer leur condition. C’est un point de vue effectivement très paternaliste dont la finalité consiste, de manière objective, à canaliser les libertés individuelles de manière à correspondre à un idéal néolibéral occidental, dans son idéologie et son fonctionnement. L’absence de contextualisation culturelle empêche ici de considérer que les habitudes observées puissent correspondre à des particularités optimales au niveau local (on parlerait

 

“Les économistes comportementalistes ont-ils intérêt à mordre la main qui les nourrit ?”

 

d’adaptation locale en biologie évolutive) qui sont réellement rationnelles. L’approche de l’économie comportementale consiste seulement à considérer que si les populations-cibles ne se comportent pas de la manière que le néolibéralisme considère comme rationnelle, c’est que ces populations sont victimes de biais cognitifs. Dans le cas de l’épargne, c’est parce que les populations pauvres se comporteraient de manière court-termiste que toute tentative de développement de l’épargne et de la monnaie dématérialisée serait vouée à l’échec. L’importance de la culture, des particularités et de la rationalité locales reste très peu envisagée. Les propos de JM Servet qui consiste à dénoncer la préemption de l’économie comportementale par les gouvernements occidentaux néolibéraux (USA, UK , France et autres…) semblent convaincants. Les présupposés des recherches des économistes comportementalistes relèvent du paternalisme libertarien et veulent uniformiser la gestion des finances des citoyens au sein des populations. Ceci pour une meilleure efficacité de la gestion collective. Il est aisé de voir dans ces démarches une réduction des libertés individuelles là où la prise en compte des préférences, des habitudes et de l’utilité différentielle des comportements de différents groupes de population conduirait à des actions de gestion et d’incitations mieux ciblées et moins contraignantes.

 

 

1ères CONCLUSIONS

En conclusion, les critiques de Servet envers l’économie comportementale nous paraissent justifiées à bien des égards, par exemple au niveau du manque de contextualisation des recherches. Les critiques portant sur le manque de prise de recul ou l’importance démesurée des p-values au détriment des tailles d’effet sont valables pour n’importe quelle discipline scientifique quantitative et nul doute que beaucoup d’efforts sont nécessaires à cet égard.

Toutefois, les critiques de JM Servet à destination des RCTs nous paraissent excessives car nous pensons qu’elles sont encore le moyen le plus performant pour déterminer le rôle causal d’un facteur dans un phénomène. L’approche hypothético-déductive (assimilable à l’approche abductive évoquée page 159) suppose toutefois que les hypothèses testées soient ajustées au fil des expériences, notamment par des considérations empiriques ou culturelles, ce qui est spécifiquement le reproche adressé par JM Servet à l’économie comportementale.

Quant aux liens entre économie comportementale et néolibéralisme, c’est effectivement un des postulats de ce courant idéologique dominant que de considérer la volonté et la motivation personnelles comme le moteur principal de tout changement (avec peu d’étonnement, on retrouve cette philosophie dans la mode des coaches en tout genre, notamment de développement personnel, si présents, si promus et si actifs…). C’est oublier le rôle des facteurs historiques, sociologiques, environnementaux ou sociaux sur les habitudes et les comportements. Il pourrait être opportun pour les économistes comportementalistes de discuter du bien-fondé des politiques financières sociétales que leurs travaux contribuent à mettre en place plutôt que de travailler de manière acharnée sur leurs applications. Cette démarche est, d’après JM Servet, l’apanage des économistes traditionnels, mais les économistes comportementalistes ont-ils intérêt à mordre la main qui les nourrit ?

 

 

CONCLUSION DES CONCLUSIONS

Les critiques adressées par Servet ne nous paraissent ainsi ni dénuée d’intérêt ni complètement à même de sonner le glas de l’approche de l’économie comportementale. La reprise de ses principes montre une efficacité avérée sur les comportements, notamment en psychologie sociale (mais la psychologie sociale a-t-elle besoin de l’économie comportementale, là où l’inverse est indéniable…). Encore faut-il sortir des très marketing nudges et adopter une posture plus pluridisciplinaire et fondée sur des théories et des concepts bien établis, tels que la théorie de l’engagement. Là aussi nous suivrons JM Servet lorsqu’il parle d’accessoirisation des disciplines proches. La psychologie sociale est effectivement utilisée à leur gré par les promoteurs du nudge, souvent de manière inappropriée et plus pour servir de caution scientifique qu’en s’intéressant vraiment aux détails conceptuels qui permettrait d’améliorer l’efficacité des campagnes de prévention ou de promotion des comportements (voir les dents de « monstres » dessinées sur les portes des RER…).

L’ouvrage de JM Servet représente ainsi un contre-poids certain à la mode de l’économie comportementale auquel tout scientifique digne de ce nom et concerné par le sujet devrait accorder une lecture attentive et objective. Si différents courants au sein d’une même discipline sont nécessaires à son développement, la communication entre ces courants est la condition sine qua non et saine pour générer des progrès conceptuels certains. Sans cela, c’est à une bataille de clochers permanente à laquelle il faut s’attendre, les savants redevenant après tout, comme le disait Bachelard, aussi subjectifs et bouffis d’ego que n’importe quel quidam une fois passée la porte de leur laboratoire…

 

1Les RCTs, ou Randomized Controlled Trials, sont des plans expérimentaux consistant à identifier de manière statistique l’influence causale d’une variable sur une autre. De manière générale, les RCTs consistent à mesurer une variable, telle que le taux d’épargne, sur deux groupes d’individus : un groupe auquel on applique la variable dont on suppose qu’elle exerce une influence sur le taux d’épargne, comme la dématérialisation de la monnaie, et un groupe contrôle, ressemblant sociologiquement et numériquement au premier, mais sur lequel aucune intervention spécifique n’est réalisée. Si les deux groupes diffèrent en moyenne et de manière statistiquement significative sur leur taux d’épargne, alors on pourra en conclure que la variable appliquée au premier groupe joue un rôle dont l’importance peut être numériquement estimée via un coefficient de détermination. L’utilisation de groupes placebo en médecine est l’illustration la plus commune du principe des RCTs.

2 Mols et al. (2014) Why a nudge is not enough: a social identity critique of governance by stealth. Eur. J. Polit. Res. 54, 81-98. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/1475-6765.12073

 

————————————–

À PROPOS DE L’AUTEUR :

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, les ventes, la santé, le management, l’innovation publique, etc…

 

 

Le neuromarketing, c’est quoi ?

Il ne suffit malheureusement pas de proposer un bon produit ou un bon service pour qu’il se vende. La raison à cela tient principalement à notre cerveau. Aussi fonctionnel qu’il puisse être, notre cerveau n’en est pas toujours pour autant rationnel !

 

 

The english version of this

article can be found here!

 

Notre cerveau utilise des règles précises pour collecter l’information, la traiter et prendre des décisions en conséquence. Le neuromarketing consiste ainsi à prendre en compte le fonctionnement psychologique de notre cerveau et de ces règles de décisions afin de rendre l’expérience des consommateurs optimale et de favoriser l’achat des produits et services que vous souhaitez vendre en priorité, par exemple ceux sur lesquels la marge réalisée est importante.

 

Le neuromarketing n’a rien de magique ! Ses techniques sont le résultat d’études scientifiques de psychologie rigoureuses, dont l’efficacité démontrée est appliquée aux stratégies de ventes. Le neuromarketing vous permet ainsi d’augmenter de manière fiable et efficace la fidélité et la satisfaction de vos clients, vos ventes et vos marges.

 

DES EXEMPLES…

 

  • L’un des exemples les plus connus de technique neuromarketing est la terminaison des prix en 9. Il est couramment admis qu’un produit affiché à 49 euros paraîtra beaucoup moins cher aux yeux du consommateur et générera plus de ventes que le même produit affiché à 50 euros. C’est vrai, mais pas dans tous les cas ! Il a par exemple été montré que des produits dont le prix se terminait en 0, comme 50 euros, étaient perçus comme de meilleure qualité par le consommateur. Tout dépend ainsi du contexte : une technique qui sera efficace pour booster les ventes dans un point de vente ne le sera peut-être pas dans un autre. C’est le travail du professionnel du neuromarketing de savoir ajuster ces techniques de manière subtile, réfléchie, et individualisée en fonction de vos attentes et de la particularité de votre business.

 

  • Une autre application du neuromarketing consiste à prendre en compte la manière dont notre cerveau fait des choix. Nous comparons rarement différentes options de manière absolue, mais plutôt de manière relative (un autre exemple appliqué ici). Par exemple, une paire de chaussures à 40 euros nous paraîtra une meilleure affaire si elle est comparée à une paire similaire à 50 euros que si elle est comparée à une troisième paire à 30 euros ou si elle est présentée seule. Ces effets peuvent être utilisés en point de vente afin de mettre en avant des produits dont on souhaite favoriser la vente.

 

Un exemple d’application de neuromarketing et de psychologie du consommateur au packaging

 

  • Une autre technique liée au pricing consiste à diviser le coût d’un service pour fidéliser les clients. Il a par exemple été montré que les personnes payant un abonnement mensuel à une salle de sport s’entraînaient fréquemment. À l’inverse, si l’abonnement est payé en une seule fois en début de saison, les mêmes sportifs seront moins assidus à la salle, entraînant une diminution de la fidélité, mais aussi de la consommation potentielle de produits connexes tels que la nourriture, les boissons ou le matériel proposé à la salle.

 

 

Le neuromarketing est un levier d'optimisation de votre marketing et de vos ventes simple à mettre en place et fiable Cliquez pour tweeter

 

Encore une fois, ce qui est vrai dans une situation ne l’est pas forcément dans une autre. L’acte d’achat est en lui-même psychologiquement « douloureux » pour le consommateur. Il peut ainsi être préférable, à dépense constante, de réduire le nombre des actes d’achat. Un assureur peut par exemple privilégier une assurance intégrant un ensemble d’options à un prix unique plutôt que de proposer aux clients chaque option séparément à un prix défini.

 

Le neuromarketing est ainsi un levier d’optimisation de votre marketing et de vos ventes simple à mettre en place et fiable. Son utilisation doit être considérée dans un effort global d’amélioration de vos process. Bien maîtrisées, ses techniques peuvent fournir un formidable boost pour la satisfaction de vos clients et vos ventes, ainsi qu’un avantage compétitif certain en améliorant vos bénéfices.

 

 

————————————–

À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et de meilleurs services dans différents domaines. ANALYTICA est le créateur du service de neuromarketing CogniSales, et du service de menu engineering nouvelle génération CogniMenu. Morgan DAVID a récemment fondé Predicta Football, le 1er outil d’identification des talents pour le recrutement prédictif dans le football.

 

 

Le flop des campagnes de communication, le retour !

Devant l’abondance des campagnes de communication ignorant délibérément les fondements de la psychologie sociale (alors qu’elles ambitionnent d’affecter celle de leur cible), je considère sérieusement la possibilité de créer une rubrique afin d’y entreposer les plus beaux spécimens, tel un florilège des mauvaises pratiques…

 

 

Il y a quelques mois, je publiais un article de blog dans lequel j’expliquais que beaucoup de campagnes de communication étaient vouées à l’échec. D’un point de vue de la psychologie de la cible, les raisons étaient multiples : tantôt le message n’était pas le bon, tantôt la situation exposée était on ne peut plus mal choisie. Dans tous les cas, comble de la communication préventive, on pouvait même s’attendre à ce que la campagne de communication, à l’inverse de réduire certains comportements non-désirables, soit susceptible de susciter ces mêmes comportements.

 

Un petit rappel pour vous rafraichir la mémoire :  je basais mon article sur une campagne récente des villes de Mâcon et Dijon tentant de réduire les comportements indésirables sur la voie publique comme jeter son mégot ou son chewing-gum par terre, ne pas ramasser les déjections de son animal, y laisser les siennes, etc… J’ai ainsi expliqué en quoi placarder les abribus de la cité des Ducs d’affiches menaçant les contrevenants d’une amende avait toutes les chances d’être contre-productif et au contraire de susciter lesdits comportements. Une histoire de normes sociales et de normes de marché…

 

déchets Dijon communication

 

Si vous souhaitez encourager les jeunes à boire de l’alcool dans un contexte festif, je vous rassure, c’est possible aussi ! Pour cela, on peut monter une campagne d’affiches similaire à ce qu’ont récemment fait nos voisins germaniques. Prenez à parts égales garçons et filles, ajoutez-y quelques sourires et postures décontractées, quelques bouteilles de bières bien mises en avant, enrobez le tout d’une ambiance tamisée mais festive, et laissez la magie opérer. Effet garanti : l’affiche donna aux jeunes qui l’observèrent un désir supérieur de consommer de l’alcool en soirée par rapport à des jeunes d’un groupe contrôle.

 

conso alcool allemagne communication

 

C’est donc avec en tête le souvenir de ces moyens de communication qui n’atteindront jamais leur fin que je viens de tomber sur une affiche de la campagne de l’Institut National du Cancer. L’affiche est aussi minimaliste que la cause est noble : un fond blanc sur lequel on a posé un tire-bouchon old-school (les vrais, les plus efficaces, ndlr), accompagné du message suivant “Réduire sa consommation d’alcool”. PATATRAS ! J’imagine qu’encore une fois on n’est pas passé par la case “psychologue social” avant de valider les épreuves d’une campagne dont le coût est certainement loin d’être anodin. Si, comme on l’a vu précédemment, représenter des jeunes buvant des bières dans une ambiance festive encourage la consommation d’alcool, qu’attendre d’affiches préconisant la réduction de la consommation en dépeignant un tire-bouchon… au pays du vin ! Si la vision du tire-bouchon suscite à la majorité, comme à moi, le souvenir sonore du “chtop” du bouchon déclarant ouvertes les festivités; si elle suscite l’envie de coller son nez contre un verre qu’on vient d’emplir de Volnay tannique et floral, et bien, honnêtement, je ne suis pas certain que cette affiche atteigne son but avoué de prévenir la surconsommation d’alcool, cause avérée s’il en est de certains cancers.

 

Et les vignerons de s’insurger contre ce qu’ils considèrent comme une attaque en règle de leur terroir ! Le syndicat des vignerons indépendants du Var s’est ainsi plaint de la mauvaise publicité que ce type d’affiche peut véhiculer sur leur profession et leur savoir-faire. Rassurez-vous messieurs, cette affiche en apparence accusatoire n’est vraisemblablement, contre toute attente, rien d’autre que de la publicité gratuite sponsorisée Institut National du Cancer…

 

Parce que communiquer n’est pas seulement illustrer, peut-être serait-il temps de s’intéresser au fond des messages que l’on veut faire passer en plus de la forme ? Le reste est peine perdue…

 

————————————–

À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc…

 

 

 

Comment reprendre les calories perdues pendant votre exercice ?

 

poids chocolatLa lutte contre le surpoids est un enjeu de santé publique majeur. Encourager les citoyens à l’exercice physique est ainsi le premier des objectifs. Ne pas reprendre les calories perdues en est un autre, et pas des moindres. Voyons comment ne pas ruiner les efforts consentis lors de votre activité physique.

 

 

Un français sur 2 est en surpoids [1]. Ce constat réalisé par l’INSERM en 2016 contribue à faire de la lutte contre l’obésité et manger bougerle surpoids un enjeu de santé publique majeur. C’est ainsi que les campagnes de prévention et de recommandation ont fleuris afin de sensibiliser les citoyens à ce problème. Les objectifs de ces campagnes sont multiples. Et à raison ! L’origine de l’épidémie croissante de surpoids est elle-même multifactorielle. L’on peut dénoncer le manque d’activité physique ou les régimes alimentaires peu équilibrés. Ces deux causes sont en fait intimement liées et représentent les deux faces d’une même médaille. « Manger bouger », « 5 fruits et légumes par jour », « 30 minutes de marche par jour », les slogans et les initiatives pour favoriser un mode de vie sain et équilibré sont un des outils permettant de toucher et de sensibiliser les citoyens le plus largement.

 

Et pourtant les « chiffres » du surpoids ne fléchissent pas, ils semblent même augmenter en même temps que les kilomètres de pistes cyclables, les parcours de santé, les salles de sport, les étiquetages nutritionnels des produits alimentaires… bref, toutes ces dispositions mises en œuvre pour enfin faire chausser à notre français moyen ses baskets et lui faire avaler sa dose quotidienne de fruits et légumes.

 

 

“L’état d’esprit dans lequel l’on va s’engager dans une activité physique va affecter notre tendance à consommer des aliments plus ou moins caloriques”

 

 

Quel est donc le problème ? À l’heure où l’on ne peut guère s’aventurer dans un jardin public sans y croiser à tout moment quelques joggeurs, pourquoi continuons-nous à prendre du poids ? Une équipe de chercheurs internationaux dirigée par Carolina Werle a testé une hypothèse étonnante dans une étude parue en 2015 dans le journal Marketing Letters [2] : et si les individus décidant effectivement de se mettre au sport reprenaient comme un boomerang les calories perdues en s’alimentant ? Et si oui pourquoi ? L’hypothèse peut paraître surréaliste. En effet, comment imaginer un instant votre voisin, celui que vous croisez régulièrement dans la cage d’escalier revenir de la salle de sport, s’empiffrant aussitôt rentré de snacks et autres barres chocolatées plus caloriques les unes que les autres. Et pourtant, c’est dans les méandres et les mécanismes alambiqués de notre psychologie que Werle et ses collaborateurs nous emmènent avec leur hypothèse.

 

 

30min de marche par jourL’idée de départ de ces psychologues sociaux était que l’état d’esprit dans lequel l’on va s’engager dans une activité physique va affecter notre tendance à consommer des aliments plus ou moins caloriques. Leur hypothèse est ainsi que la représentation d’une activité physique comme un exercice dur et fatiguant vous poussera à récompenser mentalement cet effort en vous faisant plaisir dans votre choix de nourriture. Malheureusement, en diététique, et la biologie évolutive explique cela très bien, qui dit plaisir dit riche et calorique. À l’inverse, si vous vous représentez votre séance de jogging comme une activité agréable et distrayante, vous aurez pris assez de plaisir pour ne pas compenser cet effort par une nourriture attractive et trop calorique.

 

 

Voici comment l’équipe de Carolina Werle s’y est prise pour tester ces hypothèses : ces chercheurs ont demandé à du staff de leur université de participer à une mini-course d’orientation où les participants devait suivre un parcours de marche d’environ 2 kms sur le campus. Pour 50% d’entre eux (groupe « exercice »), la course d’orientation avait été décrite comme une séance d’activité physique de 30 minutes. Pour les 50 % restants (groupe « plaisir »), la course d’orientation avait été 5 fruits et légumes par jourdécrite comme une activité ludique de promenade à travers le campus. Les membres du staff étaient ensuite récompensés de leur participation par un déjeuner. Et comme souvent en psychologie sociale, c’est au moment où ils s’y attendent le moins que le comportement et les choix des participants sont scrutés. Ainsi, la quantité de nourriture que se servirent les participants fut relevée. Pour le dessert et les boissons, le choix devait s’effectuer entre deux options peu caloriques (respectivement une compote et une bouteille d’eau) et deux options caloriques (un gâteau au chocolat et un soda). Il était laissé la possibilité aux participants de se resservir en dessert.

 

Voici les résultats : les participants du groupe « exercice » consommèrent en plus grande quantité les desserts et boissons caloriques que les participants du groupe « plaisir ». De plus, les participants du groupe « plaisir » se déclaraient de meilleur humeur après la course que ceux du groupe « exercice ». Tout se passe donc comme si la représentation d’un exercice comme une activité physique fatigante encourageait une compensation de l’effort fourni par une nourriture attractive et calorique.

 

Dans une seconde expérience, les chercheurs ont interrogés les participants d’une course à pied sur le plaisir qu’ils avaient pris pendant leur effort, avant de leur offrir une gratification sous forme d’un choix entre une barre chocolatée et une barre de céréales. Suivant la même logique que l’expérience précédente, les participants déclarant avoir pris le moins de plaisir pendant la course choisissaient préférentiellement la barre chocolatée.

 

engraisseurTout semble donc indiquer que l’état d’esprit dans lequel vous abordez votre activité physique affecte votre comportement alimentaire. Les résultats de cette étude montre que se représenter votre session de jogging comme un exercice dur et fatiguant va vous pousser à compenser cet effort par la consommation de nourriture attractive. En gros, le plaisir que l’on ne prend pas pendant la course est récupéré dans l’alimentation. Et malheureusement, les aliments qui nous sont le plus attractifs sont aussi les plus caloriques. Cela peut ainsi expliquer pourquoi il ne suffit pas de vous engager dans une activité physique pour prévenir le surpoids. Encore faut-il en cohérence garder un régime et des choix alimentaires sains. Le meilleur moyen pour cela est de prendre du plaisir dans votre activité et de justifier votre engagement par une volonté interne de prendre du plaisir plutôt que par des considérations externes comme la perte de poids.

 

Bien sûr, les personnes très impliquées et engagées dans un mode de vie sain sont moins susceptibles de succomber aux phénomènes de compensation décrits plus haut [3]. Malheureusement, les études de psychologie sociale montre que beaucoup de personnes compensent leurs efforts en mangeant plus calorique. Et cela n’est pas seulement vrai pour les sportifs : dans un contexte de restauration, on sait que le choix d’une entrée considérée comme peu calorique encourage à prendre un dessert [3], ou alors que des aliments hypo-caloriques peuvent de manière perverse être surconsommés justement parce qu’ils sont considérés comme peu caloriques [4].

 

Ce genre de biais, subtils et pervers, sont à prendre en considération par les professionnels de ces questions, par exemple les psychothérapeutes ou les diététiciens, afin de prévenir ces phénomènes de compensation et donner toute leur efficacité aux programmes de réduction du surpoids et de promotion de la santé dans notre société.

 

 

 

 

Références :

[1] http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/10/25/un-francais-sur-deux-est-en-surpoids_5019615_3244.html

[2] Werle et al. (2015) Is it fun or exercise? The framing of physical activity biases subsequent snacking. Marketing Letters 26:691-702.

[3] Her & Seo (2017) Health halo effects in sequential food consumption: the moderating roles of health-consciousness and attribute framing. International Journal of Hospitality Management 62:1-10.

[4] Wansink & Chandon (2006) Can « low-fat » nutrition labels lead to obesity? Journal of Marketing Research 43:605-17.

 

————————————–

À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc… Morgan David est le fondateur de Predicta Football, le 1er outil scientifique d’identification des talents pour le recrutement prédictif dans le football.

 

 

 

 

Le flop des campagnes de communication

Défense d'afficherPourquoi les campagnes de communication font-elles des flops ? La manière dont les pouvoirs publics ou les entreprises communiquent sur leurs actions ou leurs produits est tellement standardisée que d’aucun ne songe à questionner leur efficacité. Suffit-il de fournir de l’information pour transmettre un message ? Comment être sûr d’impacter la cible de votre communication ? C’est l’objet de ce post.

 

 

À bien y réfléchir, la question de l’efficacité des campagnes de communication pourrait certainement faire l’objet d’un ouvrage à elle toute seule. Les moyens de communication sont si nombreux et si divers qu’on peut raisonnablement douter d’une règle d’efficacité commune à eux tous.

 

Mon point de vue de psychologue est qu’une bonne campagne de communication peut difficilement faire l’impasse sur une démarche de l’ordre du scientifique. Après tout, l’objectif n’est-il pas que le message soit bien reçu et affecte les comportements ? D’abord poser les bases : non, notre cerveau ne traite pas toutes les informations également, bien grand lui en fasse. Cela peut paraître évident, mais le phénomène d’attention limitée qui en découle est à la base de nombre de processus et biais cognitifs. Ensuite, tester l’impact de sa communication sur la cible visée est une démarche intéressante. Intéressante mais pas forcément suffisante. Si l’on sollicite votre avis de consommateur, vous pouvez toujours exprimer une préférence entre deux versions d’un packaging de biscuits de marque A. Si le packaging de la marque B est globalement meilleur que celui de A, le test consommateur de la marque A est désuet avant même d’avoir livré ses résultats… D’où l’importance d’optimiser sa communication à la lumière de ses consommateurs, ou de sa cible en général.

 

 

“Science et création sont trop souvent perçus comme antinomiques

 

 

Malheureusement, parce que science et création sont trop souvent perçus comme antinomiques, parce que l’on surestime sa capacité de persuasion ou parce que l’on pense qu’il suffit de transmettre de l’information pour convaincre et affecter les comportements, beaucoup de campagnes de communication sont d’une efficacité toute relative… Les exemples sont légions et je ne peux résister à l’envie de vous en faire part. Éteignez les lumières, installez-vous confortablement et plongeons ensemble dans ce décryptage didactique.

 

Toute ressemblance entre les exemples que je vais aborder et des affiches que vous auriez pu entrevoir au travers d’une rue sera tout sauf fortuite. Comme je l’ai signalé plus haut, nous sommes tellement habitués à lire des messages construits de la même manière que nous considérons leur efficacité comme indiscutable. Après tout, si l’on transmet les messages de la même façon au fur et à mesure des campagnes de communication, cela ne peut être dû au hasard… et pourtant…

 

conso alcool allemagne communicationLe premier cas d’école est une affiche préparée par une initiative de santé publique en Allemagne afin de lutter contre l’alcoolisme chez les jeunes. L’affiche représente des jeunes gens tenant en main une variété de boissons alcoolisées. Le message principal de l’affiche est « Alcool ? connais tes limites ». Des chercheurs de différentes universités allemandes ont voulu tester l’impact de l’affiche sur les intentions de la population-cible. Ils ont ainsi montré que l’affiche était loin de dissuader les jeunes participants de l’étude de boire de l’alcool. Pire, après avoir observé l’affiche, ceux-ci se déclaraient même plus enclins à vouloir en consommer le week-end suivant par rapport à une affiche contrôle [1]. Après tout, la situation illustrée dans l’affiche n’est-elle pas plaisante ? Des garçons, des filles, on rit, on boit, on passe une bonne soirée… on aurait presque envie d’y participer pour peu que l’on maitrise la langue de Goethe…

 

 

mâcon ville propre communicationLe second cas d’école est encore plus récent car il concerne deux campagnes de communication récemment lancées à Mâcon [2] et à Dijon [3], en Bourgogne, afin de dissuader les piétons de jeter leurs mégots et leur chewing-gum dans la rue. Encore une fois, tout ce qu’il y a de plus banal : une affiche comportant un montage photo (certes de qualité) accompagné d’un avertissement sans frais sur le montant de l’amende que ce comportement peut engendrer. Rien de nouveau sous le soleil. Fumeurs et mâcheurs de chewing-gums, préparez vos porte-monnaie ! Malheureusement, ce genre de communication est devenu un classique de la psychologie sociale et il y a peu à en attendre pour faire changer les comportements et, accessoirement, rendre nos rues moins sales. En effet, avertir du montant d’une amende consécutive à un comportement répréhensible fait rentrer ce comportement dans le cadre d’une norme transactionnelle. Pour être clair, jeter son chewing-gum ou son mégot est initialement considéré comme un comportement indésirable moralement, à l’encontre des attitudes convenables et acceptables par ses concitoyens. Du moment où l’on attribue un prix (ici l’amende) à la réalisation de ce comportement, le fait-on rentrer déchets Dijon communicationdans une logique de transaction, où le comportement n’apparait plus comme indésirable, mais comme une action d’une certaine valeur, pour laquelle un prix a été fixé. Le geste ne devient plus inapproprié dans l’esprit du fumeur mais intégré dans les règles marchandes de la communauté. Après tout, pourquoi s’imposerait-on des limites si notre pratique est négociable. “Si je paye je peux”.

 

 

Ce phénomène a été décrit en 2000 dans une étude de Gneezy & Rustichini via un exemple assez parlant : afin de lutter contre les retards des parents venant récupérer leur enfant à plusieurs accueils périscolaires, il a été instauré un système d’amende dont l’objectif était de réduire le nombre de retardataires. Malheureusement, c’est l’inverse qui s’est produit. L’instauration d’amendes a eu l’effet de doubler le nombre de parents récupérant leur enfant en retard [4]. Encore une fois, le comportement moralement indésirable (retarder le fonctionnement de l’accueil et ses employés) était soudainement devenu un service facturé. Pourquoi donc s’en passer, même moyennant une certaine somme ? Le système d’amendes a été supprimé dans un troisième temps de l’étude. Ironiquement, le nombre de retardataires n’est pas revenu à son niveau d’avant l’instauration du système d’amendes, comme si l’expérience avait créé de nouvelles habitudes encore plus tenaces… C’est subtil la psychologie…

 

 

“Les campagnes de communication font des flops car elles se basent sur du concept dont la validité […] n’est pas démontrée”

 

 

advergame communicationLes exemples de flops de campagnes de communication pourraient être déroulés encore longtemps. J’aurais par exemple pu vous parler de cette étude qui montre qu’un « advergame » (un petit jeu vidéo promouvant un produit) portant sur des barres chocolatées augmente leur consommation que la présence d’un message sur l’écran alertant du caractère publicitaire du jeu ne permet pas de réduire [5]. Les campagnes de communication font des flops car elles se basent trop souvent sur du concept dont la validité vis-à-vis de notre psychologie n’est pas démontrée. Il ne suffit pas non plus de transmettre une information pour que notre cible adopte le comportement voulu, sinon tous les automobilistes rouleraient sans écarts à 50 en ville, 130 sur autoroute, et l’on mangerait tous 5 fruits et légumes par jour. Ce n’est évidemment pas le cas, et cet état des lieux est loin d’être inconnu des psychologues sociaux. Mieux, ils y travaillent et développent des techniques empiriques et testées afin d’affecter les comportements en optimisant les manières de vous adresser à votre cible. Par exemple, la théorie de l’engagement, ou l’économie comportementale, utilisent les connaissances sur le fonctionnement de notre cerveau pour établir des techniques nous motivant à économiser l’eau [6], réduire notre consommation d’alcool [7], recycler nos déchets [8], augmenter notre activité physique [9], etc…

 

Pour conclure, et répondre à la question « comment être sûr d’impacter la cible de votre communication ? », je formulerais 2 recommandations : 1) adoptez une démarche systématique d’optimisation du message à la lumière de la psychologie et du comportement ; 2) testez empiriquement et ajustez vos supports.

 

 

Références :

[1] Zimmermann et al. (sous presse) Psychology, Health & Medicine.

[2] http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/saone-et-loire/macon/megots-chewing-gums-papiers-macon-sevit-fait-savoir-1210955.html?utm_content=buffer35a4f&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=buffer

[3] http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/grand-dijon/dijon/68eu-amende-attendent-ceux-qui-jettent-leurs-dechets-rues-dijon-1223071.html

[4] Gneezy & Rustichini (2000) Journal of Legal Studies 29:1-17.

[5] Folkvord et al. (2017) Appetite 112:117-23.

[6] Dickerson et al. (1992) Journal of Applied Social Psychology 22:841-54.

[7] Michie et al. (2012) Addiction 107:1431-40.

[8] Dupré & Meineri (2016) Journal of Environmental Psychology 48:101-7.

[9] Wilson et al. (2005) Annals of Behavioral Medicine 30:119-24.

 

————————————–

À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc…

 

 

 

 

Le comportement non-verbal chez les sportifs : pourquoi et comment ?

Le comportement non-verbal est certainement la thématique de la psychologie la plus commentée comme la plus galvaudée dans la presse. Les études expérimentales sur les causes et conséquences des signaux non-verbaux s’y font rares. Plus courante est la publicité pour les auteurs/chamanes/psychanalystes/charlatans (rayer la mention inutile) proposant un nouveau livre censé nous apprendre à lire dans l’inconscient de nos interlocuteurs par leurs gestes. Après tout, votre partenaire ne vous ment-il pas s’il se touche le nez en répondant à vos questions ? Apprentis Pinocchio, gare à vos gestes !

 

tony parkerEn dépit d’un détournement constant, que ce soit via des approches pseudo-scientifiques (PNL, Analyse transactionnelle…) ou via une approche grand-public non maitrisée, l’étude du comportement non-verbal revêt pourtant un intérêt considérable et relève d’une réalité évidente. Les scientifiques ont d’ailleurs peu attendu pour s’y intéresser. Charles Darwin lui-même publia en 1872 son livre « L’expression des émotions chez l’Homme et les animaux » au sein duquel il examine et décrit le rôle des mimiques faciales, des postures et des gestes sur la transmission des émotions.

 

L’étude du comportement non-verbal ne relève d’ailleurs « que » de çà : comprendre comment et pourquoi nos postures et expressions faciales et gestuelles affectent nos interlocuteurs et leurs comportements ultérieurs. Comme toute question scientifique, on est en droit d’attendre qu’elle soit traitée de manière objective via des techniques expérimentales. Malheureusement, ce « détail » échappe la plupart du temps aux thérapeutes et formateurs en tous genres plus enclins à alimenter le fantasme d’un langage codé recelant le secret de nos intentions inconscientes. La réalité, moins mystique, n’en est pourtant pas moins intéressante.

 

L’ÉTUDE

 

L’étude que je commente aujourd’hui vient d’être publiée dans la revue Journal of Nonverbal Behavior par deux chercheurs allemands : Philip Furley et Geoffrey Schweizer. Ces auteurs ont tenté de comprendre si le comportement non-verbal de sportifs pouvait affecter la perception et le jugement d’un observateur. En d’autres termes, un observateur naïf peut-il deviner l’actuel gagnant ou perdant d’un match de basket-ball ainsi que l’état d’esprit des joueurs via les signaux non-verbaux qu’ils émettent ?

 

 

Les signaux non-verbaux liés à la fierté, la honte ou la dominance sont particulièrement importants en situation de compétition et de conflit Cliquez pour tweeter

 

Afin de répondre à cette question, les auteurs ont isolé des séquences vidéo de matches de basket-ball de NBA, la ligue professionnelle américaine, ainsi que de première ligue allemande. Ces séquences duraient en moyenne quatre secondes et étaient tirées des moments « neutres » du match, c’est-à-dire pendant les temps morts, les pauses ou les lancers francs (voir vidéo 1).

 

En se basant sur ces séquences uniquement, les participants de l’étude devait simplement déterminer si l’équipe du joueur filmé menait largement le match (high lead), menait de peu (close lead), était à égalité avec l’autre équipe (draw), était menée de peu (close behind) ou menée largement (far behind). L’hypothèse formulée par les auteurs était que les expressions et postures des joueurs devaient refléter leur niveau de confiance ou de fierté induite par la réussite de leur équipe dans le match. Comme le soulignent les auteurs, les signaux non-verbaux liés à la fierté, la honte ou la dominance sont particulièrement importants en situation de compétition et de conflit.

 

 

 

LES RÉSULTATS

 

Figure 1 : Le score "réel" entre les équipes est en abscisse, le score estimé par les participants en ordonnée.

Figure 1 : Le score “réel” entre les équipes est en abscisse, le score estimé par les participants en ordonnée.

Les résultats montrent que les joueurs des équipes menant au score étaient considérés comme plus confiants et montrant plus de signes de dominance et de fierté que les joueurs d’équipes menées (voir figure 1). Aussi, les participants ont pu estimer assez précisément le score du match à partir des séquences vidéo (voir figure 2), même lorsque le corps des joueurs était masqué et seuls leurs visages étaient montrés (only face) (voir vidéo 2 et figure 2), ou lorsque leurs visages étaient masqués et seulement leurs corps étaient montrés (only body) (voir vidéo 3 et figure 2).

 

Ainsi, les expressions, attitudes et gestes des joueurs auraient pu permettre aux participants d’identifier correctement les équipes menant au score ou étant menées. Il semble donc que de simples et courtes séquences vidéo de sportifs permettent à un observateur de deviner l’état d’esprit de la personne filmée et le contexte émotionnel et situationnel dans lequel elle se trouve.

 

 

Figure 2 : Le score "réel" entre les équipes est en abscisse, le score estimé par les participants en ordonnée.

Figure 2 : Le score “réel” entre les équipes est en abscisse, le score estimé par les participants en ordonnée.

Mais les résultats de Furley et Schweizer ne s’arrêtent pas là ! Au sein de la même étude, ces auteurs ont trouvé que les participants peuvent également deviner de manière précise le score du match lorsque seulement une image issue de la vidéo leur est proposée. Cela indique que le caractère dynamique du comportement des joueurs dans les vidéos n’est pas indispensable afin d’interpréter les expressions et les émotions. Tous ces résultats vont dans le sens de l’hypothèse des auteurs et de maintes études scientifiques proposant que nos mimiques, gestes et postures sont des éléments de communication fondamentaux pour notre espèce si sociale.

 

 

 

 

 

 

 

La conclusion de cette étude est que les signaux non-verbaux transmis par des sportifs permettent à un observateur naïf de deviner leur état d’esprit et d’autres aspects contextuels, ici l’équipe menant ou perdant le match. De manière surprenante, les signaux émis de manière indépendante soit par le visage, soit par le corps, sont suffisants pour pouvoir formuler des estimations également précises. Enfin, l’interprétation des observateurs reste correcte lorsqu’on ne leur présente que des photos de joueurs.

 

QUELLES APPLICATIONS POUR CES RÉSULTATS ?

 

cantonaL’influence du comportement non-verbal des sportifs sur un observateur suggère que leur état d’esprit peut se refléter dans leurs gestes et mimiques. Ceci peut être d’une importance capitale dans le milieu sportif où le mental des athlètes joue un rôle critique sur leurs performances en compétition.

 

Par exemple, une autre étude de ces mêmes auteurs montre que des footballeurs ou des basketteurs percevant des signaux « d’échec » chez leurs adversaires voient leur confiance et assurance augmenter. Ces résultats offrent ainsi des perspectives originales pour l’entrainement des sportifs. Un travail sur l’attitude en contexte de stress, de pression, de réussite ou d’échec peut ainsi être mis en place afin d’augmenter sa compétitivité et sa gestion de match.

 

Référence : Furley & Schweizer (2016) In a flash: thin slice judgment accuracy of leading and trailing in sports. Journal of Nonverbal Behavior 40:83-100.

 

————————————–

À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la communication, l’innovation publique, etc… Morgan David est le fondateur de Predicta Football, le 1er outil scientifique d’identification des talents pour le recrutement prédictif dans le football.