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Le flop des campagnes de communication, épisode 3 !

le pen communication psychologie flop

Lorsque j’ai rédigé mes deux premiers billets sur les flops des campagnes de communication, je n’avais pas prévu d’en faire des publications régulières. Et puis moi-même, psychologue, ai été victime du biais cognitif dit de disponibilité. Cette tendance à voir partout l’objet de votre préoccupation car elle est facilement accessible à votre mémoire. En termes moins alambiqués, j’ai commencé à voir des exemples de mauvaise communication partout.

 

Rien ne sert de blâmer mon cerveau outre mesure. Ces exemples sont OMNIPRÉSENTS. Et si je ne me contentais pas de les observer moi-même, mes contacts ont acquis le réflexe de partager avec moi des exemples d’affiches ou de publicité qu’ils jugent suspectes. Ou dont ils imaginent que j’en laisserais échapper un commentaire, parfois sarcastique, tout du moins critique.

 

Alors soit, il semble que je me destine modestement à faire de ces flops de communication un rendez-vous régulier. J’ai pris le pari d’à la fois vous révéler mes perles préférées, mais aussi d’esquisser une explication du flop, basée sur la psychologie de la communication. Comme vous le verrez, ces justifications sont parfois évidentes. Et l’on me traitera à raison de condescendance en prétendant réinventer le fil à couper le beurre. Mais pour le reste, l’expérience me montre un peu plus chaque jour que l’introspection est la plus vicieuse des compagnes. Et l’être humain décidément très mauvais pour anticiper la psychologie et le comportement de son voisin.

 

Enfin, j’ai délibérément pris le parti de ne pas faire référence outre mesure à du jargon scientifique ou des études publiées. Restons dans la vulgarisation, rapide, concise, explicite. Je reste bien entendu à votre disposition, souhaiteriez-vous connaitre noir sur blanc la justification strictement scientifique d’un phénomène que j’évoque.

 

En route !

PSYCHOLOGIE & COMMUNICATION : LE RÔLE DE L’IDENTITÉ SOCIALE

 

Et pour débuter ce 3ème épisode, j’ai souhaité partir sur un sujet « léger » : la politique !

 

le pen communication psychologie flopSur cette affiche du rassemblement national, on voit Marine Le Pen et un slogan. « Français, réveillez-vous ! ». Si les français sont endormis, qui est éveillé ? Le RN ? C’est ce que semble suggérer cette affiche.

 

En psychologie, la théorie de l’identité sociale suggère que l’on n’est jamais plus coopératif, ou que l’on ne fait jamais plus confiance à une personne, que si on l’identifie comme faisant partie de son groupe social. On évoque parfois cette théorie en parlant de l’opposition outgroup/ingroup, ou exogroupe/endogroupe. Ce qui est intéressant est ce que ce groupe social existe à n’importe quelle échelle : les autres personnes de mon village / de mon département / de ma région / de mon pays… L’important est de s’identifier à ce groupe social.

 

En fin de compte, c’est un peu eux contre nous. Les Bourguignons contre les Franc-Comtois, les Nordistes contre les Sudistes… En suggérant que les français sont endormis et qu’eux sont éveillés, les communicants du RN font l’erreur de créer artificiellement deux groupes sociaux. Ils placent de facto le lecteur de l’affiche dans le groupe opposé à celui de l’affiche. Le RN (les éveillés) contre les lecteurs (les endormis). Dès lors, pas sûr que ce soit le meilleur slogan pour rassembler et être écouté…

 

PSYCHOLOGIE & COMMUNICATION : LE RÔLE DE LA SAILLANCE

 

Deuxième exemple, probablement mon préféré. Il ne s’agit ici d’une affiche mais plutôt d’un dispositif, que d’aucuns qualifieraient de nudge… La probable inefficacité de ce dispositif n’a d’égal que le tintamarre et l’approbation qu’il a suscités dans la presse locale. Pour faire bref, voici une plaque posée devant un égout prévenant le passant que ses détritus, communication psychologie flop Dijons’il les jette parterre, finiront dans la mer. Car la mer commence, comme tout le monde le sait, depuis les bouches d’égouts de la rue de la Liberté à Dijon…

 

Le problème est que cette communication ressemble plus à du branding. On ne cherche pas à affecter le comportement du piéton. Mais son plus gros péché n’est pas là. Son défaut est de vouloir susciter chez un dijonnais la représentation de la mer et de la pollution maritime. Mis à part Besançon, je pense qu’il n’y a pas de ville moyenne plus éloignée d’un littoral que la capitale Bourguignonne.

 

Dès lors, on peut s’attendre à ce que la pollution maritime ne soit pas la préoccupation numéro 1 d’un dijonnais moyen. Ce n’est probablement pas la corde sensible la plus efficace pour éveiller les consciences dans cette ville. Il y a donc un manque de cohérence entre les représentations et objectifs que souhaite susciter cette communication, et les représentations du concept de pollution dans le cerveau d’un dijonnais.

 

Il semble que cet exemple ait été copié d’une initiative mise en place à Collioure. Sans hésitation, la pollution maritime est, dans le cerveau d’un habitant de Collioure, un concept plus facilement appréhendable que dans celui d’un habitant de Dijon…

 

PSYCHOLOGIE & COMMUNICATION : LE RÔLE DE L’HUMOUR

 

Dernier exemple. Celui-là vient de sortir, c’est tout chaud. Cette affiche semble (!?) être de la publicité pour un produit de nettoyage. Le gros problème avec le slogan est évidemment l’adverbe « seulement ». « Seulement » est réducteur et met en avant des limites. La chose est universelle (« Alors ton examen ? », « j’ai eu seulement 11/20 »). « Seulement » indique que les espérances communication psychologie flop starwaxet les attentes étaient différentes. « Seulement » est un des prémices de la déception.

 

Dans d’autres contextes publicitaires, « seulement » est utilisé pour souligner des petites valeurs dans un esprit de minimisation (« Votre nouvelle télévision écran plat à seulement 149€ »). On est loin de l’objectif de la marque. Encore une fois il y a un manque de cohérence entre le claim d’un produit de nettoyage puissant, et les mots employés pour en faire la promotion.

 

Dernière interprétation possible, le communicant souhaite jouer sur l’ironie. En mettant en avant le paradoxe entre l’adverbe « seulement » et le fort pourcentage. Malheureusement le sarcasme est le meilleur ennemi du communicant. C’est d’abord une forme d’humour à utiliser avec parcimonie, pas avec n’importe qui… Et certainement pas la forme d’humour la plus évidente et la plus facile à comprendre. Surtout lorsque le verbal et le non-verbal de son interlocuteur sont absents.

 

Rassurez-vous, cette marque ne s’est pas contentée d’une seule affiche, me donnant ainsi du matériel pour les futurs épisodes des flops de campagne de communication.

 

J’espère que cet épisode vous a plus. Souhaitez-vous en lire d’autres ? Stop ou encore ? Vos réponses en commentaires ! Merci bien.

 

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À PROPOS DE L’AUTEUR :

morgan david

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer des services dans différents domaines comme la communication, l’influence, le marketing & les ventes. ANALYTICA est le créateur du concept des PsychoSegments, du service de neuromarketing CogniSales, du service de menu engineering nouvelle génération CogniMenu, et du service de neuromarketing appliqué au packaging CogniPackaging.

 

 

 

photo ville nuit

Smart City & Nudges : deux faces de la même médaille ?

 

photo ville nuitS’il existait un palmarès des thématiques en vogue actuellement dans le registre de l’innovation, la Smart City et les nudges y figureraient en bonne place. Étonnamment, aucun rapprochement, qu’il soit théorique ou technique, n’a encore été envisagé pour ces deux concepts. C’est le but de ce post de montrer comment et pourquoi Smart City, nudges et sciences comportementales vont collaborer dans un futur proche.

 

QU’EST-CE QUE LA SMART CITY ?

 

Le concept de Smart City, bien qu’encore relativement inconnu du grand public, connait un intérêt fulgurant au niveau mondial. À une époque où l’urbanisation et le taux d’urbains ne fait globalement que croître (plus de 50% d’urbains au niveau mondial, 77% au niveau européen1), se pose la question de maintenir en un espace réduit une population toujours plus nombreuse. Le défi que représente cette énigme géo-démographique tient du maintien de la qualité de vie du citoyen et de l’utilisation raisonnée, écologique et durable de l’environnement et des énergies. Enfin, le progrès technologique lié aux mesures en temps réel, à l’intelligence artificielle, aux objets connectés et au « Big Data », vient apporter une nouvelle dimension à ce challenge en fournissant le réseau d’informations à partir duquel des décisions peuvent être prises.

 

Ajuster la disponibilité des transports publics à l’affluence mesurée en temps réel, optimiser le tri, la collecte et le recyclage des déchets, centraliser les services d’action des municipalités pour une meilleure efficacité, favoriser la production et l’utilisation d’une énergie renouvelable, améliorer la coexistence de différents types de transports sur les routes… Voilà autant de défis que propose de relever la Smart City dont les traductions en français sont en conséquence multiples : ville durable, ville intelligente, ville citoyenne…

 

 

La ville du XXIème siècle devra se construire autour des habitudes des citoyens, de leurs comportements et de leurs besoins Cliquez pour tweeter

 

image profil ville

 

En la matière, des villes françaises comme Dijon sont devenues pionnières2. Denver, aux États-Unis, a également construit un projet de Smart City autour de la maîtrise et de la gestion des énergies et de l’optimisation de la circulation routière3. Ces projets centralisateurs et consommateurs de données numériques sont maintenant réalisables grâce à la collecte, au transport et à l’utilisation des données obtenues auprès d’autant de capteurs et systèmes connectés.

 

L’USAGER AU CŒUR DU SYSTÈME

 

De l’aveu même des promoteurs de la Smart City, c’est donc bien le comportement et les habitudes des usagers qui sont au centre de l’attention4. La Smart City et les territoires intelligents se développent par eux et pour eux. La ville du XXIème siècle devra se construire autour des habitudes des citoyens, de leurs comportements et de leurs besoins. La Smart City se veut démocratique ! Au-delà de l’enjeu technologique se posent ainsi deux défis plus subtils et facétieux que sont 1) connaître l’usager, sa psychologie et ses attentes pour répondre adéquatement à ses exigences, et 2) réciproquement, pour que l’usager réponde aux exigences de la Smart City, savoir le guider vers de nouvelles habitudes.

 

 

Communiquer n’est pas influencer, proposer n’est pas persuader Cliquez pour tweeter

 

NUDGES & SCIENCES COMPORTEMENTALES : UN RÔLE DÉCISIF

 

photo main globe réseauConnaître le comportement des citoyens est une chose, les faire adhérer à de nouvelles habitudes en est une autre. Les multiples campagnes de communication vouées à l’échec le prouvent au quotidien5,6. La naïveté et l’inaptitude des communicants à anticiper la psychologie et le comportement des usagers résultent en la réalisation de projets publics que les usagers vont ignorer ou auxquels ils ne vont pas adhérer7. Communiquer n’est pas influencer, proposer n’est pas persuader. Et pourtant, la communication représente la rampe de lancement des projets liés aux Smart Cities. Il ne suffit pas de proposer des bornes de tri des déchets pour que les citoyens les utilisent. Il ne suffit pas non plus de leur demander d’économiser l’eau en période de sécheresse ou l’électricité en période de forte demande pour que ces recommandations soient suivies. La Smart City peut optimiser nos modes de vie collectifs si et seulement si les usagers se comportent de manière à rendre cette optimisation possible. Sans adhésion ni engagement des usagers, point de salut pour la City, aussi Smart soit-elle !

 

L’objectif des Smart Cities est par essence de promouvoir l’intérêt collectif. Toute la question réside dans la manière de traduire cet intérêt collectif en motivations et intérêts individuels touchant directement les usagers. Sans cela, les nouvelles pratiques promues par la Smart City n’entreront pas dans les usages des citoyens. L’enjeu consiste à persuader les usagers de modifier leurs habitudes et d’adopter de nouvelles pratiques, en associant l’ergonomie de la Smart City à la psychologie des usagers.

 

FAVORISER L’ADHÉSION & L’ENGAGEMENT DES USAGERS

 

Bonne nouvelle, les sciences comportementales apportent nombre de solutions destinées à agir efficacement sur les comportements. Que l’on utilise les nudges, la communication stratégique, les architectures de décision ou des interventions plus classiques de psychologie sociale, les sciences comportementales offrent de nombreuses techniques permettant de susciter l’adhésion à de nouvelles normes et de nouvelles habitudes. Sans grande surprise, ces techniques sont largement sous-utilisées à l’heure actuelle par des communicants ne se souciant principalement que de la forme des messages adressés aux citoyens (voir encart ci-dessous). Les enjeux des Smart Cities sont pourtant trop importants pour que leur développement soit conduit sans placer la psychologie des usagers au centre des réflexions. Motiver les citoyens à s’engager dans de nouveaux usages est une démarche subtile qui mérite l’apport fiable et efficace des sciences comportementales.

 

exemples stop aux déchets

Encart : Conséquences de différents messages hypothétiques d’une campagne pour lutter contre les déchets jetés sur les autoroutes par les automobilistes (Dijon, 2018)

 

En 2014, on dénombrait 51 pays dont les gouvernements s’étaient emparés des sciences comportementales et des nudges afin de guider la mise en place d’initiatives publiques. En France par exemple, la Direction Interministérielle de la Transformation Publique (DITP) place les sciences comportementales comme une voie d’avenir pour booster l’innovation publique et sociétale8,9.

 

Le recul existe et le contexte est maintenant favorable aux Smart Cities et autres territoires intelligents pour profiter de la puissance des sciences comportementales et rencontrer un succès indispensable auprès des citoyens. Le caractère « Smart » des nouvelles « Cities » se prouvera en premier lieu par l’exigence de leurs promoteurs de recourir au savoir fiable et éprouvé des sciences comportementales : une prise de conscience essentielle pour associer les citoyens et usagers aux défis urbains du XXIème siècle.

 

1 https://www.latribune.fr/regions/smart-cities/20150220trib477e7a234/pourquoi-il-faut-aller-au-dela-de-la-ville-intelligente.html

2 https://www.lemonde.fr/la-france-connectee/article/2018/03/14/dijon-premiere-smart-city-de-france_5270728_4978494.html

3 https://www.lci.fr/high-tech/smart-city-de-denver-a-dijon-ces-projets-pour-une-ville-plus-intelligente-et-ecolo-2077908.html

4 https://atelier.bnpparibas/smart-city/article/d-une-smart-city-engaged-city

5 http://cabinet-analytica.fr/le-flop-des-campagnes-de-communication/

6 http://cabinet-analytica.fr/flop-campagnes-communication-le-retour/

7 http://cabinet-analytica.fr/9-effets-psychologiques-qui-ruinent-campagne-communication/

8 http://www.modernisation.gouv.fr/laction-publique-se-transforme/thomas-cazenave-sciences-comportementales-et-politiques-publiques-inciter-plutot-que-contraindre

9 http://www.modernisation.gouv.fr/en/node/198853

 

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À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc…

 

Formation “Améliorez l’efficacité de vos entretiens commerciaux” à Dijon

 

Le Cabinet Analytica vous propose une formation afin d’améliorer l’efficacité de vos entretiens commerciaux téléphoniques et physiques le lundi 23 avril 2018 à l’espace de co-working Quatre-Quarts à Dijon (21). Au menu : expression orale, langage, communication, marketing, ateliers etc…

Indiquez votre intérêt pour cet évènement sur la page facebook dédiée !

 

 

OBJECTIFS :

  • Apprenez comment préparer, conduire et conclure un entretien commercial téléphonique & physique
  • Utilisez les nombreux leviers logiques et langagiers
  • Maîtrisez votre image, votre expression orale et votre communication verbale et non-verbale
  • Évitez les erreurs qui décrédibilisent
  • Testez et comparez vos habitudes actuelles avec les éléments appris lors d’ateliers de mise en pratique

 

PUBLIC :

  • Entrepreneurs
  • Créateurs d’entreprise
  • Futurs créateurs
  • Commerciaux
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DATE, LIEU & TARIF :

  • le lundi 23 avril 2018, de 14 à 17h à l’espace de co-working Quatre-Quarts à Dijon (21)
  • 59 euros (non-assujettis TVA)

 

INFOS & INSCRIPTIONS :

 

 

 

fair-play

Est-il stratégique d’être fair-play ?

fair-playAu-delà d’un devoir moral, pourquoi être fair-play ? Et si provoquer son adversaire permettait de le déstabiliser ? Risquerait-on à l’inverse de booster ses ressources mentales et ses performances ? On vous explique ici que provoquer son adversaire peut être à double tranchant…

 

 

11 mars 2005, 29ème journée du championnat de football de Ligue 2, le Stade de Reims accueille le Dijon Football Côte d’Or. L’entraineur rémois, Ladislas Lozano, déclare avant la rencontre « Dijon est une équipe frileuse et attentiste ». Résultat : Dijon repartira de Champagne avec une victoire sans appel 5-0. D’aucuns y verront la conséquence d’une provocation exagérée de l’entraineur de Reims, et pourquoi pas un manque de fair-play. Quel aurait en effet été le score de ce match sans cette déclaration tonitruante ?

 

 

Les concours de provocations sont assez présents dans les compétitions sportives. Il n’est ainsi pas rare de voir un boxeur un peu zélé baisser sa garde en guise d’humiliation de l’adversaire ou un footballeur transalpin insultant copieusement un joueur de l’équipe adverse avant de se voir asséner un coup de tête bien placé au thorax. À l’inverse, on a rarement vu deux archers ou deux joueurs d’échecs s’invectiver au cours d’une partie… Le fair-play semble à géométrie variable au gré de nos différentes pratiques sportives. À tort ou à raison ? D’un point de vue psychologique, est-il stratégique de provoquer son adversaire, au risque de lui donner un supplément de ressources mentales améliorant ses performances, ou à l’inverse de ne pas le provoquer ? Dans le cas du match Reims-Dijon, les propos de l’entraineur adverse ont-ils alors fourni aux joueurs dijonnais le supplément de motivation transformant un match de championnat somme toute commun en un festival offensif et une victoire remarquable ? C’est l’objet de l’étude que je propose de commenter dans cet article de blog.

 

 

grip fair-playL’hypothèse proposée par Gneezy & Imas, deux chercheurs en économie comportementale, est que l’agacement ou la colère engendrés par une provocation de son adversaire va agir de manière différente en fonction du type de compétition. Dans une première expérience, les chercheurs ont proposé à des paires de participants de se défier à une tâche physique, en l’occurrence empoigner un dynamomètre afin de mesurer pendant une minute la force déployée par les muscles de la main et du poignet. On est loin du défi intellectuel je vous l’accorde, mais l’idée était de proposer une tâche physique sans demander aux pauvres participants de s’échanger uppercut et crochets après avoir enfilé des gants…

 

 

duel fair-playLa seconde expérience impliquait justement une certaine dose de concentration et nécessitait des capacités mentales plus développées. Les deux participants devaient s’affronter lors d’un duel au pistolet… fictif évidemment, virtuel plus précisément, du type auquel vous pourriez vous-même jouer sur votre Nintendo Wii. Chaque participant, séparés de 20 pas, devait l’un après l’autre prendre la décision de se rapprocher d’un pas ou de tenter un tir. Évidemment la probabilité de toucher son adversaire augmentait à mesure que les participants se rapprochaient l’un de l’autre. Toutefois, si un tir touchant le concurrent donnait la victoire, un tir hors cible menait à une défaite automatique.

 

 

Quid de la provocation ? Il était en début d’expérience donné à l’un des participants la possibilité d’assigner son adversaire à quelques corvées administratives à remplir avec l’auteur de l’étude, et ceci après avoir patienté jusqu’à 20 minutes après l’expérience. Drôle de manière de susciter l’agacement ou la colère me direz-vous, mais certainement efficace quand on pense que l’attente et la paperasse sont certainement deux de nos plus grosses hantises… D’ailleurs, les auteurs de l’étude montrent qu’effectivement, les participants assignés à la tâche administrative après avoir patienté se déclarent plus irrités et en colère que ceux ne l’étant pas.

 

 

“l’agacement ou la colère engendrés par une provocation de son adversaire va agir de manière différente en fonction du type de compétition”

 

 

Les résultats sont très clairs : lors de la tâche physique, les participants à qui l’adversaire avait imposé de patienter 20 minutes après l’expérience pour effectuer des tâches administratives ont montré une performance supérieure au provocateur. Il semble donc que l’agacement engendré par la décision du premier adversaire ait amélioré la compétitivité du second. À l’inverse, lors de la tâche mentale (le duel au pistolet), l’agacement provoqué par l’assignation à la corvée administrative poussait le second adversaire à tenter un tir beaucoup plus tôt au cours du duel, et donc à en sortir plus fréquemment perdant.

 

 

En conclusion, provoquer votre adversaire reste à vos risques et périls car cela semble pouvoir lui donner un coup de boost mental augmentant sa performance lors d’une tâche physique. Lors d’une tâche mentale, l’effet est inversé : la provocation est suffisante pour écarter votre adversaire de la concentration nécessaire à une performance maximale. Finalement, beaucoup de provocations s’observent entre adversaires d’un sport physique (football, boxe, rugby…) et cette étude montre qu’elles peuvent être complètement contre-productives et se retourner contre leurs auteurs. À l’inverse, on n’observe que très rarement des joueurs se provoquer au billard, aux échecs, ou dans tout sport impliquant des ressources mentales, là où la provocation serait pourtant la plus efficace. Les politiciens savent toutefois manier cet arme avec tout le tact et la sournoiserie nécessaires.

 

 

“Le préparateur mental peut travailler sur la gestion de l’agacement et de l’énervement dans le but d’améliorer les performances”

 

 

En résumé, avant de provoquer votre adversaire, évaluez soigneusement les risques. La compétition engendre-t-elle un effort plutôt mental ? plutôt physique ? À moins que vous ne pratiquiez le chessboxing, dont je ne peux résister de partager avec vous une vidéo, cette aspect est aisé à prendre en compte. Mais comme on ne peut pas attendre raisonnablement que nos adversaires soient tous fair-play, le préparateur mental peut anticiper la réaction de son athlète à la provocation et travailler justement sur la gestion de l’agacement et de l’énervement dans différentes situations dans le but d’améliorer ses performances.

 

 

 

Références :

Gneezy & Imas (2014) Materazzi effect and the strategic use of anger in competitive interactions. PNAS 111:1334-7.

 

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À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc… Morgan David est le fondateur de Predicta Football, le 1er outil scientifique d’identification des talents pour le recrutement prédictif dans le football.

 

 

 

 

Le flop des campagnes de communication

Défense d'afficherPourquoi les campagnes de communication font-elles des flops ? La manière dont les pouvoirs publics ou les entreprises communiquent sur leurs actions ou leurs produits est tellement standardisée que d’aucun ne songe à questionner leur efficacité. Suffit-il de fournir de l’information pour transmettre un message ? Comment être sûr d’impacter la cible de votre communication ? C’est l’objet de ce post.

 

 

À bien y réfléchir, la question de l’efficacité des campagnes de communication pourrait certainement faire l’objet d’un ouvrage à elle toute seule. Les moyens de communication sont si nombreux et si divers qu’on peut raisonnablement douter d’une règle d’efficacité commune à eux tous.

 

Mon point de vue de psychologue est qu’une bonne campagne de communication peut difficilement faire l’impasse sur une démarche de l’ordre du scientifique. Après tout, l’objectif n’est-il pas que le message soit bien reçu et affecte les comportements ? D’abord poser les bases : non, notre cerveau ne traite pas toutes les informations également, bien grand lui en fasse. Cela peut paraître évident, mais le phénomène d’attention limitée qui en découle est à la base de nombre de processus et biais cognitifs. Ensuite, tester l’impact de sa communication sur la cible visée est une démarche intéressante. Intéressante mais pas forcément suffisante. Si l’on sollicite votre avis de consommateur, vous pouvez toujours exprimer une préférence entre deux versions d’un packaging de biscuits de marque A. Si le packaging de la marque B est globalement meilleur que celui de A, le test consommateur de la marque A est désuet avant même d’avoir livré ses résultats… D’où l’importance d’optimiser sa communication à la lumière de ses consommateurs, ou de sa cible en général.

 

 

“Science et création sont trop souvent perçus comme antinomiques

 

 

Malheureusement, parce que science et création sont trop souvent perçus comme antinomiques, parce que l’on surestime sa capacité de persuasion ou parce que l’on pense qu’il suffit de transmettre de l’information pour convaincre et affecter les comportements, beaucoup de campagnes de communication sont d’une efficacité toute relative… Les exemples sont légions et je ne peux résister à l’envie de vous en faire part. Éteignez les lumières, installez-vous confortablement et plongeons ensemble dans ce décryptage didactique.

 

Toute ressemblance entre les exemples que je vais aborder et des affiches que vous auriez pu entrevoir au travers d’une rue sera tout sauf fortuite. Comme je l’ai signalé plus haut, nous sommes tellement habitués à lire des messages construits de la même manière que nous considérons leur efficacité comme indiscutable. Après tout, si l’on transmet les messages de la même façon au fur et à mesure des campagnes de communication, cela ne peut être dû au hasard… et pourtant…

 

conso alcool allemagne communicationLe premier cas d’école est une affiche préparée par une initiative de santé publique en Allemagne afin de lutter contre l’alcoolisme chez les jeunes. L’affiche représente des jeunes gens tenant en main une variété de boissons alcoolisées. Le message principal de l’affiche est « Alcool ? connais tes limites ». Des chercheurs de différentes universités allemandes ont voulu tester l’impact de l’affiche sur les intentions de la population-cible. Ils ont ainsi montré que l’affiche était loin de dissuader les jeunes participants de l’étude de boire de l’alcool. Pire, après avoir observé l’affiche, ceux-ci se déclaraient même plus enclins à vouloir en consommer le week-end suivant par rapport à une affiche contrôle [1]. Après tout, la situation illustrée dans l’affiche n’est-elle pas plaisante ? Des garçons, des filles, on rit, on boit, on passe une bonne soirée… on aurait presque envie d’y participer pour peu que l’on maitrise la langue de Goethe…

 

 

mâcon ville propre communicationLe second cas d’école est encore plus récent car il concerne deux campagnes de communication récemment lancées à Mâcon [2] et à Dijon [3], en Bourgogne, afin de dissuader les piétons de jeter leurs mégots et leur chewing-gum dans la rue. Encore une fois, tout ce qu’il y a de plus banal : une affiche comportant un montage photo (certes de qualité) accompagné d’un avertissement sans frais sur le montant de l’amende que ce comportement peut engendrer. Rien de nouveau sous le soleil. Fumeurs et mâcheurs de chewing-gums, préparez vos porte-monnaie ! Malheureusement, ce genre de communication est devenu un classique de la psychologie sociale et il y a peu à en attendre pour faire changer les comportements et, accessoirement, rendre nos rues moins sales. En effet, avertir du montant d’une amende consécutive à un comportement répréhensible fait rentrer ce comportement dans le cadre d’une norme transactionnelle. Pour être clair, jeter son chewing-gum ou son mégot est initialement considéré comme un comportement indésirable moralement, à l’encontre des attitudes convenables et acceptables par ses concitoyens. Du moment où l’on attribue un prix (ici l’amende) à la réalisation de ce comportement, le fait-on rentrer déchets Dijon communicationdans une logique de transaction, où le comportement n’apparait plus comme indésirable, mais comme une action d’une certaine valeur, pour laquelle un prix a été fixé. Le geste ne devient plus inapproprié dans l’esprit du fumeur mais intégré dans les règles marchandes de la communauté. Après tout, pourquoi s’imposerait-on des limites si notre pratique est négociable. “Si je paye je peux”.

 

 

Ce phénomène a été décrit en 2000 dans une étude de Gneezy & Rustichini via un exemple assez parlant : afin de lutter contre les retards des parents venant récupérer leur enfant à plusieurs accueils périscolaires, il a été instauré un système d’amende dont l’objectif était de réduire le nombre de retardataires. Malheureusement, c’est l’inverse qui s’est produit. L’instauration d’amendes a eu l’effet de doubler le nombre de parents récupérant leur enfant en retard [4]. Encore une fois, le comportement moralement indésirable (retarder le fonctionnement de l’accueil et ses employés) était soudainement devenu un service facturé. Pourquoi donc s’en passer, même moyennant une certaine somme ? Le système d’amendes a été supprimé dans un troisième temps de l’étude. Ironiquement, le nombre de retardataires n’est pas revenu à son niveau d’avant l’instauration du système d’amendes, comme si l’expérience avait créé de nouvelles habitudes encore plus tenaces… C’est subtil la psychologie…

 

 

“Les campagnes de communication font des flops car elles se basent sur du concept dont la validité […] n’est pas démontrée”

 

 

advergame communicationLes exemples de flops de campagnes de communication pourraient être déroulés encore longtemps. J’aurais par exemple pu vous parler de cette étude qui montre qu’un « advergame » (un petit jeu vidéo promouvant un produit) portant sur des barres chocolatées augmente leur consommation que la présence d’un message sur l’écran alertant du caractère publicitaire du jeu ne permet pas de réduire [5]. Les campagnes de communication font des flops car elles se basent trop souvent sur du concept dont la validité vis-à-vis de notre psychologie n’est pas démontrée. Il ne suffit pas non plus de transmettre une information pour que notre cible adopte le comportement voulu, sinon tous les automobilistes rouleraient sans écarts à 50 en ville, 130 sur autoroute, et l’on mangerait tous 5 fruits et légumes par jour. Ce n’est évidemment pas le cas, et cet état des lieux est loin d’être inconnu des psychologues sociaux. Mieux, ils y travaillent et développent des techniques empiriques et testées afin d’affecter les comportements en optimisant les manières de vous adresser à votre cible. Par exemple, la théorie de l’engagement, ou l’économie comportementale, utilisent les connaissances sur le fonctionnement de notre cerveau pour établir des techniques nous motivant à économiser l’eau [6], réduire notre consommation d’alcool [7], recycler nos déchets [8], augmenter notre activité physique [9], etc…

 

Pour conclure, et répondre à la question « comment être sûr d’impacter la cible de votre communication ? », je formulerais 2 recommandations : 1) adoptez une démarche systématique d’optimisation du message à la lumière de la psychologie et du comportement ; 2) testez empiriquement et ajustez vos supports.

 

 

Références :

[1] Zimmermann et al. (sous presse) Psychology, Health & Medicine.

[2] http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/saone-et-loire/macon/megots-chewing-gums-papiers-macon-sevit-fait-savoir-1210955.html?utm_content=buffer35a4f&utm_medium=social&utm_source=facebook.com&utm_campaign=buffer

[3] http://france3-regions.francetvinfo.fr/bourgogne-franche-comte/cote-d-or/grand-dijon/dijon/68eu-amende-attendent-ceux-qui-jettent-leurs-dechets-rues-dijon-1223071.html

[4] Gneezy & Rustichini (2000) Journal of Legal Studies 29:1-17.

[5] Folkvord et al. (2017) Appetite 112:117-23.

[6] Dickerson et al. (1992) Journal of Applied Social Psychology 22:841-54.

[7] Michie et al. (2012) Addiction 107:1431-40.

[8] Dupré & Meineri (2016) Journal of Environmental Psychology 48:101-7.

[9] Wilson et al. (2005) Annals of Behavioral Medicine 30:119-24.

 

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À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc…