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predicta football recrutement mental

Comment prédire les performances futures des jeunes footballeurs ?

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Seulement 0.5% des jeunes de centre de formation termine un jour en équipe première. Les clubs de football gagneraient beaucoup à pouvoir prédire les chances de succès de leurs jeunes au niveau professionnel. Mais est-ce seulement possible ? Et si oui comment ?

 

 

 

 

Commençons par le début. Pourquoi ces chiffres sont-ils si bas ? Pourquoi la plupart des jeunes joueurs sur lesquels les clubs de football investissent en centre de formation ne feront jamais de carrière professionnelle décente ?

 

 

predicta football recrutement mentalLa raison est très simple. Plus on tente d’identifier les talents à un jeune âge, et moins on peut anticiper leur capacités à l’âge adulte. La croissance et la maturation passent par là et rebattent continuellement les cartes. Pire, il existe des études qui montrent que les footballeurs les plus talentueux à l’adolescence seront moins performants que les autres à l’âge adulte.

 

 

 

Les footballeurs les plus talentueux à l'adolescence seront moins performants que les autres à l'âge adulte Cliquez pour tweeter

 

 

DES DONNÉES SCIENTIFIQUES

 

Je reformule car c’est une information qui peut paraître incroyable… Nous parlons des adolescents qui arrivent à maturité avant les autres, ceux qui seront repérés en premier car ils sautent plus haut et courent plus vite que les autres. Ces adolescents montrent des performances ultérieures plus faibles que les adolescents arrivant à maturité plus tard. Une étude scientifique, menée par une équipe de chercheurs européens (graphique ci-dessous), a montré que les adolescents de leur échantillon arrivant à maturité plus tard que les autres avaient plus de chances de jouer à 22 ans pour une équipe professionnelle de 1ère division européenne (La Liga, Premier League, Bundesliga, Série A ou Ligue 1) ou une équipe nationale !

 

 

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Des exemples réels de joueurs pas forcément avantagés au niveau morphologique mais ayant réalisé une carrière professionnelle exemplaire viennent forcément à l’esprit : Éric Carrière, Benoît Pedretti, Jamie Vardy, Mathieu Valbuena…

 

 

LES LIMITES DU SCOUTING TRADITIONNEL

 

Mais ce n’est pas tout ! Les biais liés aux méthodes traditionnelles de scouting sont directement observables par l’effet d’âge relatif. L’effet d’âge relatif correspond à l’observation que plus de la majorité des professionnels est née dans les 6 premiers mois de l’année. Cette situation se retrouve par exemple dans les 5 grands championnats européens.

 

 

relative age effect football

Pourcentage de joueurs nés dans les différents trimestres de l’année, dans les 5 grands championnats européens

 

 

Imaginons que le mois de naissance à l’intérieur d’une catégorie de jeunes n’a pas d’importance. On devrait alors retrouver en proportions équivalentes au niveau professionnel des joueurs nés tous les mois de l’année… Mais ce n’est pas le cas ! L’effet d’âge relatif reflète une sélection à l’adolescence sur des critères physiques, morphologiques et techniques… À une période de la vie où quelques mois de différence ont énormément d’importance sur les performances. Résultat, les professionnels de vos effectifs étaient effectivement les meilleurs au moment de leur détection… à 14 ans… !

 

 

L'effet d'âge relatif reflète une sélection à l'adolescence où quelques mois de différence ont énormément d'importance sur les performances Cliquez pour tweeter

 

 

Pour résoudre ces biais de recrutement, il existe des techniques telles que le bio-banding, ou la méthode des maillots ordonnés (ordered shirts technique). Ces techniques peuvent être efficaces pour contrer certains biais du scouting traditionnel, mais demandent une organisation souvent conséquente à l’échelle de plusieurs clubs.

 

Alors quelles solutions si les évaluations des capacités physiques, techniques et morphologiques ne sont pas fiables chez les adolescents ? Et si on allait voir du côté des capacités cognitives et mentales ?

 

 

FOOTBALL : LE RÔLE DES CAPACITÉS COGNITIVES & MENTALES

 

L’intérêt des évaluations psychologiques chez les footballeurs est qu’elles sont plus fiables que les évaluations physiques. Les capacités cognitives et mentales peuvent évoluer entre l’adolescence et l’âge adulte. Mais souvent, les différences entre joueurs vont être conservées au cours du temps. En d’autres termes, un joueur plus créatif que la moyenne à 14 ans a beaucoup de chances d’être toujours plus créatif que la moyenne à l’âge adulte.

 

 

capacités cognitives psychologiques mentales

 

 

Les capacités cognitives et mentales sont donc des bonnes cibles du recrutement prédictif. Et à ce niveau, les résultats d’études scientifiques ont dépassé les attentes. Typiquement, ces études évaluent certaines dispositions psychologiques chez des adolescents entre 12 et 16 ans. Puis, dans un deuxième temps, suivent l’évolution de leur carrière en centre de formation puis au niveau professionnel.

 

 

Il suffit de connaître les résultats d'évaluations psychométriques d'un adolescent pour prédire sa réussite au niveau professionnel Cliquez pour tweeter

 

 

Résultat : certaines dimensions psychologiques, évaluées pendant l’adolescence, prédisent les performances au niveau professionnel, comme le nombre de buts marqués ou de matches joués en 1ère division nationale ! Il suffit ainsi de connaître les résultats d’évaluations psychométriques d’un adolescent pour prédire sa réussite au niveau professionnel. Autonomie, créativité, engagement individuel, compétitivité font partie des capacités cognitives et mentales qui prédisent les performances à l’âge adulte.

 

 

predicta football recrutement mental

 

 

IDENTIFIER LES FUTURS TALENTS AVEC PREDICTA FOOTBALL

 

Forts de ces études scientifiques, nous avons créé PREDICTA FOOTBALL, le premier outil scientifique d’identification des talents pour le recrutement prédictif. Cet outil consiste ainsi en des analyses d’évaluations psychométriques des jeunes footballeurs. Les joueurs passent d’abord une batterie de tests psychologiques et cognitifs. Les scores individuels sont ensuite traités dans des algorithmes développés par nos soins. Enfin, nous classons les joueurs en fonction de leur probabilité de réussir au niveau professionnel dans le futur.

 

Le but de PREDICTA FOOTBALL est d’identifier les futurs talents avant qu’ils ne soient visibles par tous. Et en conséquence d’aider les clubs à prendre les bonnes décisions d’investissement sur les jeunes footballeurs.

 

 

predicta football recrutement mental

 

 

Cela veut-il dire que le recrutement et le scouting traditionnels sont passés d’âge ? Pas tout à fait. Car les facteurs qui déterminent les performances futures des jeunes footballeurs sont multiples. Quel intérêt de miser sur un jeune avec d’excellents scores psychométriques, mais qui rate un plat du pied sur deux ? À l’inverse, que penser d’un jeune dont 100% des contrôles sont millimétrés mais qui obtient des scores psychométriques et cognitifs faibles ?

 

Dans les deux cas, ce qui compte est la combinaison de différentes évaluations (techniques, physiques, psychologiques…). Elle vous permet de prendre une décision avec plus de précision et de certitude si que si vous n’aviez accès qu’à un type de données. En conclusion, les évaluations psychométriques et cognitives doivent être utilisées en combinaison avec les évaluations plus classiques du scouting traditionnel (morphologie, technique, tactique, vision du jeu, etc…).

 

 

predicta football recrutement mental

 

 

À notre époque, la compétition pour identifier les jeunes talents dans le football est internationale et intense. Les méthodes traditionnelles de scouting sont biaisées et atteignent leurs limites. Un outil de recrutement prédictif tel que PREDICTA FOOTBALL, basé sur des études scientifiques rigoureuses, est le meilleur allié des clubs pour identifier les talents de demain avec une précision scientifique et avant les autres, investir de manière plus certaine et efficace, et détecter les talents cachés avant qu’ils ne soient visibles par tous !

 

logo Predicta Football

 

 

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À PROPOS DE L’AUTEUR :

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA utilise le fonctionnement de notre cerveau pour proposer de meilleurs produits et services dans l’innovation, le marketing, la communication… ANALYTICA est le créateur du concept des PsychoSegments, du service de neuromarketing CogniSales, du service de menu engineering nouvelle génération CogniMenu, et de l’outil d’identification des talents sportifs PREDICTA FOOTBALL

 

 

 

fair-play

Est-il stratégique d’être fair-play ?

fair-playAu-delà d’un devoir moral, pourquoi être fair-play ? Et si provoquer son adversaire permettait de le déstabiliser ? Risquerait-on à l’inverse de booster ses ressources mentales et ses performances ? On vous explique ici que provoquer son adversaire peut être à double tranchant…

 

 

11 mars 2005, 29ème journée du championnat de football de Ligue 2, le Stade de Reims accueille le Dijon Football Côte d’Or. L’entraineur rémois, Ladislas Lozano, déclare avant la rencontre « Dijon est une équipe frileuse et attentiste ». Résultat : Dijon repartira de Champagne avec une victoire sans appel 5-0. D’aucuns y verront la conséquence d’une provocation exagérée de l’entraineur de Reims, et pourquoi pas un manque de fair-play. Quel aurait en effet été le score de ce match sans cette déclaration tonitruante ?

 

 

Les concours de provocations sont assez présents dans les compétitions sportives. Il n’est ainsi pas rare de voir un boxeur un peu zélé baisser sa garde en guise d’humiliation de l’adversaire ou un footballeur transalpin insultant copieusement un joueur de l’équipe adverse avant de se voir asséner un coup de tête bien placé au thorax. À l’inverse, on a rarement vu deux archers ou deux joueurs d’échecs s’invectiver au cours d’une partie… Le fair-play semble à géométrie variable au gré de nos différentes pratiques sportives. À tort ou à raison ? D’un point de vue psychologique, est-il stratégique de provoquer son adversaire, au risque de lui donner un supplément de ressources mentales améliorant ses performances, ou à l’inverse de ne pas le provoquer ? Dans le cas du match Reims-Dijon, les propos de l’entraineur adverse ont-ils alors fourni aux joueurs dijonnais le supplément de motivation transformant un match de championnat somme toute commun en un festival offensif et une victoire remarquable ? C’est l’objet de l’étude que je propose de commenter dans cet article de blog.

 

 

grip fair-playL’hypothèse proposée par Gneezy & Imas, deux chercheurs en économie comportementale, est que l’agacement ou la colère engendrés par une provocation de son adversaire va agir de manière différente en fonction du type de compétition. Dans une première expérience, les chercheurs ont proposé à des paires de participants de se défier à une tâche physique, en l’occurrence empoigner un dynamomètre afin de mesurer pendant une minute la force déployée par les muscles de la main et du poignet. On est loin du défi intellectuel je vous l’accorde, mais l’idée était de proposer une tâche physique sans demander aux pauvres participants de s’échanger uppercut et crochets après avoir enfilé des gants…

 

 

duel fair-playLa seconde expérience impliquait justement une certaine dose de concentration et nécessitait des capacités mentales plus développées. Les deux participants devaient s’affronter lors d’un duel au pistolet… fictif évidemment, virtuel plus précisément, du type auquel vous pourriez vous-même jouer sur votre Nintendo Wii. Chaque participant, séparés de 20 pas, devait l’un après l’autre prendre la décision de se rapprocher d’un pas ou de tenter un tir. Évidemment la probabilité de toucher son adversaire augmentait à mesure que les participants se rapprochaient l’un de l’autre. Toutefois, si un tir touchant le concurrent donnait la victoire, un tir hors cible menait à une défaite automatique.

 

 

Quid de la provocation ? Il était en début d’expérience donné à l’un des participants la possibilité d’assigner son adversaire à quelques corvées administratives à remplir avec l’auteur de l’étude, et ceci après avoir patienté jusqu’à 20 minutes après l’expérience. Drôle de manière de susciter l’agacement ou la colère me direz-vous, mais certainement efficace quand on pense que l’attente et la paperasse sont certainement deux de nos plus grosses hantises… D’ailleurs, les auteurs de l’étude montrent qu’effectivement, les participants assignés à la tâche administrative après avoir patienté se déclarent plus irrités et en colère que ceux ne l’étant pas.

 

 

“l’agacement ou la colère engendrés par une provocation de son adversaire va agir de manière différente en fonction du type de compétition”

 

 

Les résultats sont très clairs : lors de la tâche physique, les participants à qui l’adversaire avait imposé de patienter 20 minutes après l’expérience pour effectuer des tâches administratives ont montré une performance supérieure au provocateur. Il semble donc que l’agacement engendré par la décision du premier adversaire ait amélioré la compétitivité du second. À l’inverse, lors de la tâche mentale (le duel au pistolet), l’agacement provoqué par l’assignation à la corvée administrative poussait le second adversaire à tenter un tir beaucoup plus tôt au cours du duel, et donc à en sortir plus fréquemment perdant.

 

 

En conclusion, provoquer votre adversaire reste à vos risques et périls car cela semble pouvoir lui donner un coup de boost mental augmentant sa performance lors d’une tâche physique. Lors d’une tâche mentale, l’effet est inversé : la provocation est suffisante pour écarter votre adversaire de la concentration nécessaire à une performance maximale. Finalement, beaucoup de provocations s’observent entre adversaires d’un sport physique (football, boxe, rugby…) et cette étude montre qu’elles peuvent être complètement contre-productives et se retourner contre leurs auteurs. À l’inverse, on n’observe que très rarement des joueurs se provoquer au billard, aux échecs, ou dans tout sport impliquant des ressources mentales, là où la provocation serait pourtant la plus efficace. Les politiciens savent toutefois manier cet arme avec tout le tact et la sournoiserie nécessaires.

 

 

“Le préparateur mental peut travailler sur la gestion de l’agacement et de l’énervement dans le but d’améliorer les performances”

 

 

En résumé, avant de provoquer votre adversaire, évaluez soigneusement les risques. La compétition engendre-t-elle un effort plutôt mental ? plutôt physique ? À moins que vous ne pratiquiez le chessboxing, dont je ne peux résister de partager avec vous une vidéo, cette aspect est aisé à prendre en compte. Mais comme on ne peut pas attendre raisonnablement que nos adversaires soient tous fair-play, le préparateur mental peut anticiper la réaction de son athlète à la provocation et travailler justement sur la gestion de l’agacement et de l’énervement dans différentes situations dans le but d’améliorer ses performances.

 

 

 

Références :

Gneezy & Imas (2014) Materazzi effect and the strategic use of anger in competitive interactions. PNAS 111:1334-7.

 

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À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc… Morgan David est le fondateur de Predicta Football, le 1er outil scientifique d’identification des talents pour le recrutement prédictif dans le football.

 

 

 

 

[BLOG] Les ralentis vidéo biaisent votre perception des actions

 

hockeyeur

 

Une récente étude montre que les ralentis vidéo biaisent notre perception de l’intention qu’à une personne de réaliser une action. Alors carton rouge ? Préméditation d’un crime ? Les conséquences de ce biais de perception sont tout sauf anodines.

 

 

À l’heure des smartphones et des GoPro, capturer une vidéo n’a jamais été aussi facile. À tel point que les enregistrements vidéo se transforment en instruments de preuve. Leur simple visionnage est ainsi censé éclairer les conditions d’une action et de ses protagonistes. L’enregistrement vidéo est lui-même devenu une question de société. Les forces de l’ordre doivent-elles porter accrochée à leur buste une caméra filmant leurs interventions ? Les caméras de surveillance qui fleurissent aux coins de nos centres-villes, là où l’on trouve toujours moins de chalands à filmer, sont-elles réellement utiles et n’enfreignent-elles pas notre droit à circuler en liberté ? Enfin, dans un contexte plus « léger », l’arbitrage-vidéo, tel qu’on peut l’observer dans le rugby et maints autres sports, apporte-t-il une assistance à toute épreuve pour les arbitres de football ?

 

 

On peut considérer ces questions à la fois comme légitimes et inévitables. Légitimes car les enregistrements vidéo nous permettent de voir et d’évaluer ce que nous ne pouvons directement observer. Le visionnage d’une séquence nous offre ainsi la possibilité unique de soi-même juger, en toute impartialité, les tenants et aboutissants d’un évènement. Inévitables car le développement de la technologie, associé à l’inclination commune de s’incarner en un Hitchcock du pauvre, scénariste obsolète d’un quotidien pourtant terne, rend les moyens d’enregistrement omniprésents dans notre vie.

 

 

D’aucuns plaideront de tenir la vidéo comme une lumière éclairant notre incapacité à être témoin de tout le Monde à la fois, faisant de chacun un observateur d’une nouvelle société en HD dont les principes Orwelliens auraient été inversés, de la manipulation à l’exhortation de la justice. C’est d’ailleurs l’une des directions où nous emmène l’omniprésence des caméras. La preuve vidéo devient ainsi sollicitée de façon systématique lorsque, dans une situation dont les conséquences importent, l’incertitude pointe. Par exemple, la vidéo est utilisée pour dénoncer ou juger du caractère appropriée de certains comportements litigieux, par exemple dans les tribunaux. On y a également recours en contexte sportif où les quelques centimètres qui séparent la ligne d’en-but du ballon, alors sous une montagne de premières lignes pesant le quintal, peuvent priver un quinze des cinq points et de la victoire.

 

 

tribunal téléAssociée au recours à la vidéo est l’utilisation des ralentis. Après tout, à quoi bon se repasser les images d’une séquence litigieuse si son déroulé ne permet pas d’interpréter clairement les faits. Bien peu immodeste sera celui qui affirmera sans trembler que le revers lifté offrant la victoire de Nadal a effectivement mordu la ligne. Le recours à la vidéo s’avère parfois crucial, par exemple au tennis, déjugeant même l’armée d’arbitres quadrillant le cours. Dans un contexte légal, le ralenti vidéo fournit la possibilité de juger des actes et des intentions de leur auteur avec autant de certitude, d’impartialité et d’objectivité. Ou peut-être n’est pas le cas ? Le visionnage d’une scène au ralenti affecte-t-il la perception du spectateur et reflète-t-il fidèlement la réalité d’un évènement ? La perception du caractère délibéré d’un acte est-elle altérée par un ralenti ? À la vue de la fréquence à laquelle les ralentis vidéo sont utilisés et de l’importance des décisions qui en découlent, ces questions revêtent d’une importance certaine.

 

 

“Le ralenti vidéo donne à un acte un caractère intentionnel plus évident aux yeux d’un observateur”

 

L’étude que je commente aujourd’hui a ainsi été publiée courant 2016 dans la revue PNAS par des chercheurs américains. Ces auteurs se sont intéressés à l’effet du visionnage de ralentis vidéo sur la perception par les observateurs de l’intention d’un protagoniste. La question de l’intention est loin d’être anodine, notamment en matière judiciaire, car elle peut faire la différence entre la peine capitale et la prison à vie dans le cas de meurtres, tout du moins au États-Unis. Les chercheurs ont donc recruté des participants à qui ils ont montré la vidéo d’une scène de crime de 2009, perpétré par un certain John Lewis, à Philadelphie. Dans cette vidéo, on voit un homme venant d’effectuer un braquage et finissant par tirer au pistolet et tuant un officier de police. L’intention et la préméditation du tireur avaient été source de débats intenses au tribunal lors du jugement en 2014. La moitié des participants à l’expérience a donc visionné la vidéo à vitesse réelle et l’autre moitié à vitesse réduite. Il était ensuite demandé aux participants d’évaluer sur une échelle de 0 à 100 si le voleur avait tiré sur le policier de manière volontaire, délibérée et préméditée (100 étant le jugement de préméditation maximale). Les participants ayant visionné la séquence à vitesse normale ont jugé le tir à 73.8% délibéré. Du côté des participants ayant visionné le ralenti, le tir sur le policier fut évalué à 80.4% délibéré, la différence entre les deux groupes étant statistiquement significative. Tout se passe ainsi comme si le ralenti vidéo donne à un acte un caractère intentionnel plus évident aux yeux d’un observateur. Encore une fois, aux États-Unis, où eut lieu ce crime, la préméditation ou l’intention délibérée de tuer peut faire la différence entre une condamnation à mort et la prison à vie. Les chercheurs font ainsi le calcul que le visionnage au ralenti de la séquence vidéo du crime peut multiplier par quatre la probabilité pour le jury de condamner le criminel à la peine capitale. Une différence, on en conviendra, loin d’être insignifiante…

 

 

Toutefois, lors du procès dudit John Lewis en 2014, la séquence vidéo du crime avait été montrée aux jurés à la fois à vitesse normale et au ralenti. Dans une seconde expérience, les chercheurs ont ainsi proposé à trois groupes de participants de visionner soit la séquence à vitesse normale, soit au ralenti, soit de les visionner chacune l’une après l’autre. À vitesse normale, le tir était jugé à 72.6% délibéré et à 77.5% au ralenti. Pour les participants visionnant la séquence à chacune des deux vitesses, le tir était jugé à 76.2% délibéré, une différence significativement différente du visionnage à vitesse normale. Il semble ainsi que montrer à la fois la vidéo à vitesse normale et son ralenti ne soit pas suffisant pour diminuer le jugement d’intentionnalité de l’acte observé. Ce résultat est ainsi un contre-argument à qui prétendrait que le jugement d’un jury ne peut être affecté par le ralenti si la vidéo lui est également montrée à vitesse normale. Pour chacune des expériences décrites ci-dessus, les chercheurs montrent que le temps dont dispose John Lewis avant de tirer est perçu par l’observateur comme plus long, ce qui amplifie la perception que l’acte est délibéré.

 

 

“Le visionnage au ralenti du crime peut multiplier par quatre la probabilité pour le jury de condamner le criminel à la peine capitale”

 

 

football américainEnfin, dans une troisième expérience, les mêmes chercheurs ont voulu testé si ce biais de perception pouvait s’appliquer à un autre contexte. Ils ont ainsi montré à des participants la vidéo d’un placage au football américain où le casque du plaqueur heurte violemment et en premier lieu le casque du plaqué, un geste passible de sanctions. Les participants ayant visionné la séquence vidéo à vitesse normale ont jugé le geste du plaqueur à 39.3% délibéré, contre 47.1% pour le ralenti. Encore une fois, émettre un jugement à partir d’un ralenti vidéo conduit à y voir une intention plus délibérée de la part du protagoniste incriminé.

 

 

Les causes des évènements que nous observons au quotidien sont incertaines. Les enregistrements vidéo sont ainsi un moyen salutaire afin de pouvoir juger de manière impartiale et objective du rôle et de l’intention d’un protagoniste en situation litigieuse ou contestée. Les études décrites aujourd’hui montrent toutefois qu’un ralenti vidéo peut affecter et biaiser des observateurs à qui on demanderait de juger du caractère volontaire, délibéré et prémédité d’un geste malheureux. Ce biais peut avoir une importance capitale, par exemple pour juger d’un crime dont la sentence peut varier de la peine capitale à la prison à vie au gré de la perception des jurés. La question de l’introduction des ralentis vidéo au sein des tribunaux est nouvelle, mais les précautions à y associer sont bien réelles. On pourrait par exemple suggérer que les ralentis vidéo ne soient utilisés qu’à des fins techniques, pour mettre en évidence des aspects invisibles à vitesse réelle, et pas forcément pour avoir une meilleure impression de la séquence dans son ensemble. Aussi, l’utilisation de ralentis vidéo pose d’autres questions : comment la répétition des visionnages, le degré de ralenti ou l’ordre dans lequel sont exposées les vidéos peuvent-elles jouer sur la perception de juges ? Il y a fort à parier que la répétition du visionnage d’une séquence, par le simple fait que l’observateur connaisse et en anticipe l’issue, amplifie la perception de préméditation d’un acte.

 

football

Dans un contexte plus léger, l’utilisation de l’arbitrage vidéo est une marotte et un point de discussion récurrent au football professionnel, que ce soit chez les dirigeants, les joueurs et les supporters. Cette étude suppose une limite de l’application des ralentis vidéo pour juger par exemple de la gravité de fautes perpétrés sur des joueurs de l’équipe adverse. Visionner un ralenti pourrait pousser l’arbitre à y voir une intention délibérée de blesser l’adversaire ou même de simuler une faute, le poussant dans les deux cas à sanctionner plus sévèrement les protagonistes en short.

 

 

 

Référence : Caruso et al. (2016) Slow motion increases perceived intent. PNAS 113:9250-5.

 

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À PROPOS DE L’AUTEUR :

 

Dr. Morgan DAVID   

Ancien chercheur et spécialiste des sciences comportementales, Morgan DAVID a fondé et dirige le cabinet ANALYTICA en France et au Royaume-Uni. ANALYTICA propose de rendre le savoir et les techniques liées au sciences comportementales accessibles pour répondre aux problématiques concrètes des entreprises et organisations. ANALYTICA utilise la manière dont fonctionne notre cerveau afin de proposer de meilleurs produits et services dans différents domaines tels que le marketing, la santé, le management, l’innovation publique, etc… Morgan David est le fondateur de Predicta Football, le 1er outil scientifique d’identification des talents pour le recrutement prédictif dans le football.