Neuro-marketing, ventes, innovation… entretien avec Morgan DAVID, directeur d’Analytica
Voici la transcription de l’interview que j’ai accordé à Charlotte Auvray du Master Marketing & Commerce de l’ESG Bordeaux. Nous y parlons neuro-marketing, technologie, besoins clients et innovation !
Charlotte AUVRAY : Pourriez-vous vous présenter ?
Morgan DAVID : Je m’appelle Morgan DAVID, je suis docteur en sciences comportementales diplômé de doctorats de l’Université du Québec À Montréal (Canada) et de l’Université de Bourgogne (France). J’ai été chercheur dans différents laboratoires universitaires en France, au Canada, au Royaume-Uni et en Belgique. Mes recherches portaient sur l’influence des différences individuelles et de l’environnement sur le traitement de l’information, la prise de décision et les comportements en général. J’ai fondé en 2016 Analytica, qui est un cabinet de conseil basé en France et au Royaume-Uni. Nous utilisons des techniques éprouvées et innovantes des sciences comportementales afin d’aider les entreprises à être plus performantes dans les domaines du marketing, de la vente, de la communication ou de l’innovation.
Charlotte AUVRAY : Si vous pouviez donner une définition du Neuro-marketing, quelle serait-elle ?
Morgan DAVID : Je définis le neuro-marketing comme l’application de techniques issues des sciences comportementales à l’amélioration des objectifs du marketing en termes de communication, d’expérience-client et de ventes.
Charlotte AUVRAY : Pouvons-nous anticiper les besoins d’un client grâce au Neuro-marketing ?
Morgan DAVID : On peut effectivement utiliser les sciences comportementales afin de comprendre les besoins des clients, les différents objectifs qu’ils remplissent au quotidien et auxquels des produits ou des services peuvent répondre. Cela relève d’une démarche fonctionnelle et expérimentale basée sur des observations comportementales objectives, mais aussi sur une approche plus qualitative afin de générer des insights significatifs. C’est d’ailleurs une approche et des services que je développe avec GTM Human-Centered Marketing, un de mes partenaires. Nous aidons nos clients à concevoir des innovations dont le développement est justement guidé par une approche centrée sur l’utilisateur au-delà des traditionnels “besoins”. C’est une révolution conceptuelle dans le domaine de l’innovation !
Pour conclure, je dirais que le neuro-marketing peut aider à comprendre plus précisément les besoins d’un client dans des circonstances très particulières. Il n’existe toutefois pas de recettes magiques pour comprendre ce que le cerveau des clients peut révéler, telle une boîte noire, et que les clients ne pourraient pas formuler eux-mêmes. On rentrerait là dans les fantasmes (très courant) liés au neuro-marketing, et qui font par ailleurs sa popularité…
Charlotte AUVRAY : Selon vous, le Neuro-marketing est-il inévitable dans une stratégie marketing actuelle ?
Morgan DAVID : En fait je dirais que le neuro-marketing est le futur incontournable du marketing. Pourquoi se priver de l’apport de concepts et de techniques lorsque ceux-ci apportent de la valeur ajoutée à la pratique actuelle ? Utiliseriez-vous un couteau à bout rond pour découper votre entrecôte si vous aviez un couteau à steak à disposition ? Vous pouvez, mais la tâche sera plus ardue et plus incertaine… La métaphore semble décalée mais est plutôt juste. Connaître la manière dont fonctionne le cerveau des consommateurs afin de concevoir et vendre des produits en phase avec leur attentes, leurs préférences et leurs besoins est très performant. Sans ces connaissances scientifiques, les marketeurs traditionnels partent souvent à la pêche en espérant in fine trouver une stratégie qui marche. Le neuro-marketing permet d’être plus efficace, de générer un ROI meilleur et plus rapidement, et de réduire les coûts liés à une stratégie de tâtonnement.
“Le neuro-marketing est le futur incontournable du marketing”
Charlotte AUVRAY : Est-il plus facile d’influencer un achat de nos jours ?
Morgan DAVID : Il ne sera jamais facile d’influencer l’acte d’achat car les neuro-marketeurs ne possèdent pas de baguette magique ni de recette marchant à coup sûr pour influencer les consommateurs. Et c’est tant mieux ! La psychologie humaine est complexe, et comprendre les déterminants des comportements humains est loin d’être une science exacte. Ceci-dit, en adoptant une approche objective et expérimentale telle que les sciences comportementales le proposent, on peut améliorer les stratégies de vente actuelles, générer des marges moyennes supérieures pour des bénéfices supérieurs. Le neuro-marketing, par ses dimensions résolument fonctionnelles et scientifiques, représente la manière la plus efficace à l’heure actuelle pour concevoir une stratégie marketing ou une stratégie de vente surpassant les approches alternatives.
Charlotte AUVRAY : Quels sont les meilleurs outils du Neuro-marketing ?
Morgan DAVID : Il est difficile de répondre à cette question car bien souvent l’approche neuro-marketing repose sur plusieurs disciplines des sciences comportementales et implique leur collaboration étroite afin d’arriver à des résultats pertinents. Ceci-dit, je pense que les techniques de psychologie du consommateur dont l’efficacité a été expérimentalement prouvée, notamment in situ, c’est-à-dire en conditions réelles de vente, tiennent pour le moment le haut du pavé. Cette approche consiste à anticiper la manière dont le cerveau va traiter l’information et prendre des décisions. De cette manière on peut agir sur les perceptions subjectives des clients et les encourager à sélectionner un produit ou un service plutôt qu’un autre. Mon service de menu engineering CogniMenu, destiné aux restaurants, est par exemple basé sur ce genre de techniques. Bien souvent, IRM et eye-tracking sont cités comme les techniques phares mais elles sont coûteuses et assez descriptives, rendant l’implémentation des résultats obtenus parfois assez hasardeuse.
Charlotte AUVRAY : Selon-vous, les marques peuvent-elles se fier à l’imagerie ? (IRM)
Morgan DAVID : Oui, on peut utiliser l’IRM et s’y fier pour trouver un support objectif à la création d’un produit et la définition de ses caractéristiques. Cela n’ôtera toutefois pas la nécessité de réaliser des études sur le terrain, en conditions réelles et expérimentales, pour confirmer les résultats suggérés par l’IRM. Je dirais que les techniques de psychologie du consommateur n’ont pas besoin de l’IRM alors que l’IRM ne peut pas être utilisée seule dans le cadre d’une stratégie marketing. Je pense que le contexte dans lequel l’utilisation de l’IRM peut être la plus efficace est lors de tests de publicités visuelles. Avouons que cela représente un marché assez restreint toutefois car il écarte quasiment toutes les PME…
Charlotte AUVRAY : Quelles sont les limites du Neuro-marketing ?
Morgan DAVID : Les limites du neuro-marketing reposent sur la complexité de la psychologie humaine. Nous ne sommes pas des robots. Il est donc illusoire de vouloir tenter de comprendre, d’anticiper et de provoquer chacune de nos décisions et de nos comportements. La psychologie n’est pas et ne sera jamais une science dure au même titre que la physique ou les mathématiques. Peu importe si l’on utilise des technologies avancées ou que l’on pose des électrodes sur la tête d’un sujet… Les comportements n’en sont pas plus prédictibles… Ceci dit, en reposant sur des connaissances et des techniques objectives et fiables produites par les sciences comportementales, le neuro-marketing est actuellement la technique la plus avancée et la plus efficace pour générer des stratégies de communication ou de vente optimales.
Charlotte AUVRAY : Pouvez-vous me donner 3 forces du Neuro-marketing ?
Morgan DAVID :
- Son objectivité
- Sa base expérimentale
- Sa démarche scientifique
Charlotte AUVRAY : Et 3 faiblesses ?
Morgan DAVID :
- Sa popularité
- Son impopularité
- Ses charlatans